Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
poudrière où il retrouva la compagnie de son frère Marcellin et le lieutenant Lamy.
    Les volontaires – ainsi appelait-on les hommes armés spontanément la veille – se sentaient un peu ridicules avec leur fourniment militaire sur leurs habits de ville, à côté des miliciens dans leur uniforme ; aussi redoublaient-ils d’ardeur martiale. Celle-ci, la nuit venue, poussa leur chef, le chirurgien Begougne, à emmener les plus jeunes en patrouille dans la direction d’Aixe. Ils s’en allèrent à dix, onze avec le chirurgien. Le lieutenant Lamy d’Estaillac leur avait adjoint pour plus de sûreté cinq hommes de la milice. La tiède nuit de juillet était claire, le ciel luisait d’étoiles. Bernard, toujours en bras de chemise, le tricorne en arrière, marchait avec plaisir, non point le cœur léger mais le corps heureux de se détendre dans l’exercice. Une fois la route de Thias laissée sur la gauche, et gravie la rude montée terminant le faubourg en direction d’Aixe, ce fut tout à fait la campagne. Un petit vent doux remuait les feuilles. De chaque côté du chemin, les arbres formaient des masses ténébreuses pleines de frémissements. Des chouettes s’envolaient d’un lourd essor, dans les fossés il y avait des fuites de sauvagine. Le fusil pendu à l’épaule, Bernard laissait ses camarades jouer aux soldats et battre l’estrade. Il pensait bien que l’on ne rencontrerait même pas un maraudeur. Avec les miliciens, il marchait en avant, d’un bon pas en dépit de la mauvaise route mal entretenue par les corvées. Il se concentrait dans la cadence de sa marche pour ne point rêver. À plusieurs reprises, il avait encore cherché Babet afin de l’interroger, ou sous prétexte de l’interroger, sur le mystérieux Génovéfain, mais il ne l’avait pas vue. Tant pis ! Au diable Babet ! Au diable le moine, au diable ces brigands fantômes ? Que n’étaient-ils en chair et en os, que ne se présentaient-ils ? Cela aurait fait du bien, de se battre, de passer sur quelqu’un la rage de se sentir si mal en accord avec ses vœux, ses sentiments, ses désirs.
    « Eh bien, mon garçon, dit le chirurgien Begougne en l’arrêtant par l’épaule, si on te laissait faire, tu irais jusqu’à Bordeaux, ma parole ! »
    On était au pont du Moulin Blanc. La lune se reflétait dans l’Aurence étroite. Au-delà, le ruban blanc de la route remontait, s’enfonçait dans les bois de Reignefort. Begougne regroupa sa patrouille. « Nous sommes à plus d’une lieue de Limoges, dit-il, cela suffit. Il faut songer au retour. »
    Bernard pensa qu’au vrai le chirurgien n’avait nulle envie d’aborder les ténèbres forestières. Il envoya quelques éclaireurs dans les herbages, sur les pentes dominant l’Aurence, pour scruter les vallonnements. Bien entendu, nulle flamme, pas le moindre scintillement d’armes n’apparaissait dans ces plis de sombre velours poudré par la lune. La seule clameur était celle des chiens aboyant en chaîne à travers la campagne.
    En rentrant à la poudrière, après cette marche de deux heures, on se restaura dans le corps de garde avec les provisions que chacun avait apportées. Le vin gris ajouta sa chaleur à l’excitation de la randonnée guerrière. On commençait à se gausser des pseudo-brigands. L’atmosphère tournait à la gaieté, voire à la gaudriole. Seul Bernard restait muet, encore qu’il eût mangé à belles dents le pâté et les « galétous » de blé noir dont Léonarde l’avait muni. François Lamy, qui le connaissait bien comme joueur de paume, s’approcha de lui et le détourna de ses pensées en évoquant avec lui des parties fameuses.
    À minuit, la garde montante arriva. Un quart d’heure plus tard, Bernard rentrait chez lui avec son fourniment, son habit sur le bras. Dans l’impasse, une forme se leva du banc improvisé où, l’automne précédent, il s’attardait dans la nuit avec Babet. C’était elle encore.
    « Il paraît que tu me cherches, dit-elle à voix basse.
    — Par exemple ! s’exclama-t-il. Tu es là !
    — Oui, j’ai su que tu avais pris la garde à six heures. En rentrant, je t’ai attendu ; je pensais que tu ne tarderais pas à revenir. Peu importe. Me cherches-tu pour me demander pardon ?
    — Pardon de quoi ?
    — De la façon dont tu m’as traitée, hier. Je n’entendrai rien d’autre, je t’avertis.
    — Oh bon, si tu veux. Eh bien, pardon, Babet. Maintenant, dis-moi, ce

Weitere Kostenlose Bücher