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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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déclarait avoir vu, de ses yeux vu, brûler Rochechouart ! Ou bien il mentait, dans un dessein certainement inavouable. Et dans ce cas il fallait s’assurer de lui ; nul n’y avait songé, où était-il à présent ? Ou bien il disait vrai, et l’intendant présentait de faux rapports après avoir peut-être fait disparaître ce témoin ? Allons, voyons ! toute la généralité ne parlerait pas de brigands s’il n’en existait quelque part ! Il n’y a point de bruit sans cause. « Bah ! répondaient les gens rassis, votre moine, dans les couleurs enflammées de l’aurore, a pu voir rougeoyer des fenêtres. La brume matinale de la Graine, là-dessus, ou la fumée de quelque feu d’herbes, et il aura cru à un incendie. »
    Bernard, préoccupé par la même question, cherchait Babet. Il alla chez elle, elle n’y était pas. Il retourna monter la garde place Magnine où l’on profitait au moins de la fraîcheur apportée par la nuit. On n’y faisait rien de plus. À onze heures et demie, il rentra se coucher, mal à l’aise, mécontent de tout, particulièrement de lui-même. En désarmant son fusil et en déposant sa giberne il haussa les épaules. Eh oui ! il savait bien ce qui le travaillait. Par nature, il n’était pas un chaste ; depuis deux mois bientôt, son amour pour Lise, ses scrupules envers Mounier-Dupré, imposaient à l’instinct un frein contre lequel se révoltaient la jeunesse, le sang, la chair. Cette chaleur corrompait tout, et Lise elle-même en lui. Elle la dépouillait de sa noblesse, elle la salissait de désirs, elle en faisait une créature pareille à Babet : un corps dont on cherche furieusement les formes et les places élues par la faim bestiale. En ce moment même, dans son lit trop chaud, il ne pouvait chasser de ses membres l’illusion d’enlacer Lise, de la tenir écartelée, soudée à lui, pantelante. Et il avait honte, il avait horreur de cette rage sensuelle, provoquée, il le savait bien, non par Lise mais par Babet, par la rondeur de sa taille quand il l’avait saisie à bout de bras, par ce poids vivant, par l’écrasement de ces seins sur sa poitrine, par la saveur retrouvée de cette bouche…
    La nuit s’étant écoulée sans amener aucun envahisseur, on se serait attendu à voir lever l’état de siège. Il n’en fut rien, car un sieur Jacquet, architecte et notable, se présenta de bonne heure, tout botté, à l’Intendance, annonçant qu’il revenait de Massac, en Saintonge, où l’on avait reçu l’avis positif que quarante mille Espagnols conduits par le comte d’Artois ravageaient le Quercy et le Périgord. Ils ne tarderaient pas à pénétrer en Limousin. M. d’Ablois le remercia courtoisement de l’avis, tout en lui conseillant de rentrer chez lui sans se mettre martel en tête au sujet de ces prétendus Espagnols.
    « Monsieur, répliqua l’architecte, je ne crains ni eux ni personne, ni même les gens qui ont partie liée avec la Cour. »
    Là-dessus, il alla porter l’alarme à la mairie. Ses paroles correspondaient trop aux craintes du parti avancé pour que l’on ne prît point la nouvelle au sérieux. La défiance contre l’intendant et le sénéchal s’était accrue depuis la veille ; leurs efforts pour organiser la levée en masse les faisaient accuser de vouloir paralyser la défense. On eût sonné de nouveau le tocsin si la majorité des échevins ne s’y fût opposée formellement. Il y eut échange de vertes paroles. M. d’Ablois arriva, montra des lettres venant d’Angoulême, de Périgueux, de Brive, où nulle agression ne s’était produite. « Vous n’avez pas confiance, ajouta-t-il. Fort bien. Dans ce cas, envoyez donc vous-mêmes des hommes à vous, voir de leurs propres yeux ce qu’il en est de Ruffec, de Chabanais, de Saint-Junien et autres lieux. Il ne manque pas de jeunes gens qui ne demanderont pas mieux que de monter à cheval pour accomplir ces reconnaissances. »
    L’un de ceux-ci fut le beau Jacques Mailhard, avec une vingtaine de fils de famille comme lui, possédant des chevaux et trop heureux de pouvoir ceindre pour cette occasion l’épée à laquelle leur particule bourgeoise ne leur donnait pas droit. Ils partirent avant midi, par petits groupes, les uns en direction d’Angoulême, d’autres de Périgueux, de Poitiers, de Brive. Quant à Bernard, son action héroïque pour ce jour-là fut d’aller, au soir tombant, prendre le tour de garde du quartier Manigne à la

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