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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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moine…
    — Non, mon minet, pas comme ça. Pas comme ça du tout, fit-elle en s’approchant à le toucher. »
    Il voyait, dans sa figure pâlie par le clair de lune, le blanc de ses yeux et de ses dents briller. Babet l’avait pris aux épaules. « On dit : Pardonne-moi, ma douce amie, tu es si jolie, tu sens si bon ! »
    Elle souriait à deux doigts de son visage, et ajouta en l’attirant par le cou : « On dit : C’est toi que j’aime, Babet. C’est de toi que j’ai envie. » Elle lui écrasa les derniers mots sur les lèvres. Il la saisit à plein corps, la renversa sur son épaule, lui baisant la bouche avec emportement. Elle se mit à se débattre en poussant des cris étouffés, se dégagea enfin.
    « Sambieu ! pestait-elle. Ton sacré fusil ! Il m’a cassé la tête.
    — Viens ! » fit Bernard d’un ton bas et violent.
    Puisqu’une fatalité voulait qu’il en fût ainsi, eh bien, il en serait ainsi ! Tirant Babet par le poignet, il ouvrit la porte de la remise, la referma derrière eux, puis il enleva la jeune femme, et, dans l’ombre chaude que transperçait un rayon de lune, la monta dans sa chambre où il la posa sur le lit. En deux tours d’épaule, il se fut débarrassé de ses armes. Babet lui sauta au cou.
    « Tu m’aimes ? Alors, tu m’aimes, Bernard !
    — Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que je te veux. »
    Il était crispé de désir. Cependant il se détacha d’elle pour battre le briquet, allumer la chandelle. Il avait besoin de voir Babet. Il lui prit sa tête entre les mains, plongea dans ses grands yeux vert sombre, si différents de ceux de Lise, contempla les petites narines sensuelles, la bouche sinueuse sur le brillant mouillé des dents. « Babet, dit-il. Babet ! »
    Il poussa un soupir. « Non, ce n’est pas toi que j’aime, » fit-il en respirant son parfum. Puis, les dents serrées : « Tu es ma catin. »
    Il lui avait lâché le visage. Avec une espèce de fureur à laquelle elle se prêtait de tout son corps, il lui dégrafait sa robe, lui descendait des épaules corsage et chemise, faisant jaillir les seins sur lesquels s’abattirent ses lèvres voraces.

XVI
    Bernard n’alla point à Panazol. Au lendemain de la panique, dès le retour des jeunes cavaliers envoyés sur les routes où ils avaient trouvé partout la même peur, sans voir nulle part la moindre apparence de brigands, quelques notables – entre autres Pierre Dumas, le teinturier Pinchaud, l’imprimeur Farne, son confrère Barbou – s’étaient, sous l’impulsion de Nicaut, constitués de leur propre chef en comité, invitant nussitôt avec la plus grande énergie tous les pouvoirs publics à les rejoindre pour veiller en commun à la défense, à l’ordre, aux besoins de Limoges. Cette réunion prit le titre de comité patriotique. Son premier soin fut de fondre la milice et les citoyens armés, que l’on ne pouvait laisser sans contrôle, en une garde nationale imitée de celle de Paris, dont on adopta l’uniforme et la cocarde. À l’exemple de Paris également, Limoges, ville haute et Cité, fut divisé en districts. Chacun d’eux mit sur pied sa compagnie, composée de tous les citoyens de seize à cinquante ans habitant le quartier. Seuls étaient exceptés les journaliers, laquais, domestiques. Bernard se trouva donc enrégimenté.
    S’il l’avait voulu cependant, il aurait pu s’échapper. Il pouvait emprunter un cheval et aller, pour une heure ou deux, auprès de Lise. Plusieurs fois, il fut sur le point de le faire ; il en avait très envie, mais en même temps il redoutait de la voir. Il lui écrivit pour lui expliquer ses nouvelles obligations. Elle les connaissait : on avait appris, à Panazol, la création de la garde nationale. Lise comprenait bien que Bernard, avec son travail à la boutique, d’une part, d’autre part ses devoirs militaires, ne fût guère libre. Elle résolut de se rendre en ville. L’état d’alerte régnant encore, Thérèse ne voulut point la laisser aller seule. Un billet porté par un domestique avertit Bernard qu’on le recevrait à l’hôtel Naurissane dans la relevée. Quand un des laquais en livrée bleu clair et argent annonça le visiteur, les deux dames attendaient au salon de musique où Thérèse jouait du clavecin. Elles furent surprises en voyant le jeune homme qui s’avançait, le bicorne sous le bras. Bernard venait de faire l’exercice sur le cours Tourny, il était encore en uniforme,

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