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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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rien laisser debout. On ne savait plus à quoi l’on ne devait point s’attendre. « Ils ont assurément martyrisé le Roi, pour lui arracher un tel consentement !
    — Ma bonne, protesta Bernard, j’ai vu le Roi, la Reine, le Dauphin aussi libres que toi et moi, acclamés, adorés par des milliers d’hommes, de femmes ! »
    La vieille tendresse de Bernard et de sa sœur ne suffisait plus à maintenir une communication entre eux. S’ils s’aimaient toujours, ils ne se comprenaient plus. La déception subie par Léonarde quand son frère, après avoir paru consentir à l’établissement qu’elle lui préparait, s’était brusquement dérobé en revenant de Paris, s’ajoutait à la divergence fondamentale de leurs idées. Ce refus d’un mariage médité depuis très longtemps ruinait les plus chers espoirs de la jeune femme. Bien avant que Bernard ait connu Lise, Léonarde couvait pour lui la petite Antoinette Carron. À l’automne de l’année précédente, en 89, quand Bernard avait été séparé définitivement de Lise emmenée par son mari, Léonarde s’était ouverte de ses projets à Carron lui-même. Il s’en doutait de longue date. Ils lui plaisaient. Ce n’était pas pour rien qu’à chacun de ses séjours en ville, en allant faire visite aux amis Montégut, il prenait Antoinette chez sa tante et l’amenait. C’était sa cadette. Son aînée vivait avec lui au château, mariée à un garçon entendu, qui succéderait un jour à son beau-père comme intendant de la famille de Jumilhac. Celui-ci, voulant pour Antoinette un autre genre d’existence, avait amassé une dot capable d’assurer à la jeune fille un honnête établissement à Limoges. Rien ne pouvait mieux lui convenir qu’une alliance avec la famille Montégut-Delmay. C’était placer la dot dans une maison sûre où elle fructifierait, et mettre Antoinette elle-même entre les meilleures mains, estimait Antoine Carron.
    Ces projets renversés par sa faute, Bernard se sentait mauvaise conscience envers l’adolescente, envers Carron aussi, surtout envers Léonarde : il lui semblait l’avoir trahie, et il n’ignorait pas que, malgré elle, elle avait une pareille impression. Il ne trouvait en lui-même qu’amertume, mécontentement de soi, remords, regrets, chagrin. Il s’était pris d’aversion pour Babet, responsable selon lui de son absurde conduite avec Lise. À cause de Babet, tout avait été gâché ; il ne voulait plus la voir. La laissant à ses caprices, il cherchait quelques heures d’un difficile oubli avec les filles du Naveix. Chez lui, ou plutôt.chez son beau-frère, il se sentait seul. Jean-Baptiste partageait bien un peu ses opinions, mais, par égard pour Léonarde, n’osait pas les soutenir. Bernard, s’évadant de la maison, allait se donner un peu d’aise chez Jourdan. Là, il était du moins en communion d’idées avec chacun.
    Ces idées, non plus, ne lui offraient rien de réjouissant. Elles se chargeaient de l’électricité ambiante, produite par l’agitation des « Amis de la Paix » et autres « monarchiens » limougeauds. Comme elles semblaient loin, les ivresses de juillet, les certitudes d’août ! À ce moment, au retour de Paris, on avait pu croire la Révolution à son terme : avant même d’être promulguée, la Constitution se réalisait dans la vie quotidienne. Quelles traverses eût-on craintes alors ? puisque nulle réforme – même la plus radicale : l’anéantissement des privilèges – n’avait rencontré de résistance sérieuse. Or voilà que soudain, avant même le début de l’automne, s’en était élevée une, et très vive, à propos d’une innovation pourtant bien justifiée. Comment, en effet, la nation qui venait de faire du monarque son premier serviteur eût-elle admis qu’un pontife étranger régnât dans l’ombre sur elle par l’intermédiaire des ministres du culte ? On ne rejetait point ce culte ni rien de la religion. Par la Constitution civile du clergé, les gallicans entendaient seulement soustraire celui-ci à toute influence étrangère. Prélats et curés seraient dorénavant élus par la population et payés par l’État, comme les fonctionnaires publics. On ramenait les diocèses aux limites de chaque département, puisque les provinces n’existaient plus. Rien de plus raisonnable. Le Roi, du reste, n’avait-il pas, le 24 août, accepté ces mesures ! Le bas clergé limousin ne s’y montrait pas hostile. En revanche

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