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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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uniforme, tambours battants, pour aller baptiser le fils du colonel, marier un officier, ou pour s’attabler dans des repas de corps. Au milieu de ces exhibitions, de mesquines rivalités naissaient. Enjuillet 89, quand on s’attendait à voir paraître l’ennemi, nul ne réclamait un commandement. À présent, on voulait de l’épaulette, on se disputait les places à l’état-major. Bientôt, il y aurait plus d’officiers que de soldats. Des questions de préséance divisaient les hommes que le danger avait rapprochés.
    En quelques mois, l’unité nationale était devenue une formule hypocrite dont beaucoup se servaient pour couvrir leurs idées personnelles ou leurs ambitions. La vanité, l’esprit de caste relevaient la tête. Dans la garde, une gloriole stupide opposait aux chasseurs la compagnie des grenadiers, orgueilleux de leur haute taille et de leur bonnet à poil d’ourson qu’ils payaient dix-huit livres. La suppression des titres nobles, loin de faire disparaître l’esprit d’aristocratie, suscitait dans le peuple une foule de nouveaux aristocrates au petit pied. Un balancier de la Monnaie, camarade d’Antoine Malinvaud, et aussi sot que grand, avait vendu son lit pour s’acheter l’équipement de grenadier. Quant aux anciens aristocrates de caractère ou de position, ils ne dissimulaient plus leur hostilité à l’état de choses. Quelques grands bourgeois, quelques ci-devant nobliaux, tous familiers de l’hôtel Naurissane, avaient formé un club des « Amis de la Paix et de la Vérité », pour combattre la « Société des Amis de la Constitution », fondée depuis le mois de juin précédent par Nicaut, à l’imitation du club des Jacobins de Paris, auquel cette société était affiliée. On l’appelait elle aussi club des Jacobins, car, tout comme la société mère, à Paris, elle tenait séance au couvent des Jacobins – derrière l’Hôpital général.
    Bernard, suivant l’exemple de Jourdan, s’était inscrit, comme M. Mounier, au club des Jacobins qui réunissait la moyenne bourgeoisie. Il comprenait, avec bon nombre de commerçants, dont Pinchaud, Farne, le colonel Barbou, son frère, presque tous les membres de la nouvelle administration, tous anciens robins, ainsi que des prêtres, en particulier l’abbé Xavier Audouin, le curé Gay de Vernon, devenu Gay Vernon, mais toujours aussi opposé à l’évêque. Il était à présent maire de Compreignac. Bernard avait eu le chagrin de voir son frère Marcellin se ranger avec leur père parmi les Amis de la Paix, lesquels ne faisaient point mystère de leurs sentiments antipatriotiques. Marcellin proclamait bien haut qu’il ne comprenait pas comment on pouvait être assez bête pour se dire patriote. Quant à lui, ajoutait-il, il se considérait avant tout comme sujet du Roi. Il n’en conservait pas moins son affection à Bernard, mais le raillait et le taquinait lourdement sur ses idées, à toute occasion. M. Delmay, lui, morigénait le jeune homme, essayait de le convaincre, s’emportait parfois, ou parfois le regardait amèrement en secouant la tête : « Ah ! tu me fais de la peine, cadet ! » Bernard en arrivait à fuir son père et son frère. Avec Léonarde elle-même il ne se sentait pas à l’aise. La suppression des vœux monastiques, l’inventaire des couvents avaient vivement blessé la jeune femme dans ses croyances. « Qui priera pour notre salut, disait-elle, si l’on chasse les moines et les nonnes ? C’est insulter à Dieu ! » Dans un terrible incendie qui, en septembre, avait ravagé toute une partie de la ville, détruit le jeu de paume, la salle de spectacle, et s’était arrêté juste au début du faubourg Manigne, elle voyait une punition et un avertissement divins. Loin de s’incliner devant ce signe, on allait plus loin encore, on outrait l’impiété : après avoir supprimé le clergé régulier, on prétendait soustraire le clergé séculier à l’autorité du successeur de saint Pierre. Comment le Roi, l’oint du Seigneur, pouvait-il accepter cette hérétique Constitution civile ? Il fallait qu’il fût prisonnier de ces fous parisiens, de ce La Fayette – « Blondinet », comme l’appelait M me  Naurissane quand on la voyait parfois, le dimanche, à Thias –, de ces députés déments que l’on avait envoyés à Versailles pour régler la question de l’impôt, et qui s’étaient mis à bouleverser de fond en comble le royaume jusqu’à n’en

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