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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Pétiniaud-Beaupeyrat a engagé toute sa fortune pour fournir la ville en blé, et qu’il n’est pas près de rentrer dans ses débours, du train dont vont les choses. Je me demande si, le cas échéant, notre Nicaut serait aussi généreux. »
    Les ci-devant Amis de la Paix poussèrent l’abbé Lambertie – qui avait rétrogradé avec son évêque – à prononcer en chaire, dans l’église Saint-Michel, un véritable discours politique, d’ailleurs fort éloquent, contre le nouveau régime. Ce que l’on appelle la nation française n’est pas la France, proclama l’abbé. C’en est seulement une caricature. Les députés envoyés à Versailles avaient un mandat précis ; ils n’en ont tenu aucun compte, ils l’ont furieusement outrepassé sans se soucier de leurs mandants. Dès lors, ces députés ne représentent plus rien qu’eux-mêmes. Ce qu’ils prétendent avoir construit en anéantissant nos plus solides institutions est le monument d’un arbitraire bien pire que ne le fut jamais à ses plus despotiques moments la monarchie absolue. Du moins respectait-elle les consciences.
    « Et les dragonnades ! » s’écria quelqu’un du fond de l’église. Il fut aussitôt coiffé, jeté dehors par de jeunes ex-Amis de la Paix.
    « Les lois de la nation française, poursuivit l’abbé, violent les consciences. Sous un faux-semblant de liberté, elles prétendent enchaîner les âmes, soumettre le spirituel au pouvoir temporel, transformer en domestiques de l’État ceux qui ne peuvent être les serviteurs que d’un seul maître représenté sur terre par notre saint-père le Pape. Refuser d’obéir à ces lois iniques est un devoir pour nous, mes frères. Glorifions les ardents réfractaires à la tyrannie dont l’hydre se dresse maintenant devant nous, pareille, dans sa rage destructrice, à la bête de l’Apocalypse vue par saint Jean. »
    Cette diatribe ou ses échos soulevèrent l’enthousiasme des uns, la colère des autres. Dans le clergé même, elle poussa certains prêtres « patriotes » à prononcer le serment devant lequel ils hésitaient. Au total, affermissant chacun dans ses opinions, elle consomma la rupture, accentua l’hostilité entre les partis.
    Sitôt leur club dissous, les Amis de la Paix s’étaient engagés en bloc dans la compagnie des dragons de la garde nationale. Jusqu’à ce moment, cette compagnie comptait juste vingt cavaliers, dont Jacques Mailhard. Ils devaient se monter, s’équiper eux-mêmes ; peu de gens possédaient un cheval ou de quoi en payer un. En quelques jours, l’effectif des dragons passa de vingt à quatre cents hommes. Une souscription ouverte à l’hôtel Naurissane avait permis d’acheter les montures. Les officiers de Royal-Navarre, amis de la jeunesse dorée, s’étaient offerts comme instructeurs. La compagnie se donna pour commandant l’organisateur de la souscription et principal souscripteur le ci-devant trésorier de France, Mailhard de Lalande, père du beau Jacques. C’était un homme de cinquante-neuf ans, encore excellent cavalier, comme M. Delmay, son contemporain, qui fut élu capitaine. Faisant allusion devant Bernard à ces élections : « Tu vois, cadet, lui dit-il, nous aussi nous avons la fibre démocratique, seulement nous repoussons la démagogie. On nous accuse de vouloir rétablir la royauté absolue ; ce n’est pas vrai, pas du tout. Il y a de bonnes choses dans les réformes, et je n’ai jamais aimé la Cour. L’égalité devant l’impôt, l’abolition des privilèges, la libre circulation des marchandises, l’unification de la France : très bien, bravo ! Vive la monarchie tempérée ! mais qu’elle reste une monarchie où le Roi soit vraiment roi, non point le domestique d’un ramassis d’énergumènes qui, sous prétexte de liberté et d’égalité, sont en train de tout anéantir. Nous ne voulons pas du désordre, voilà tout. Nous ne voulons pas de ces intrigants qui démolissent la maison pour s’y faire leurs places. Ces profiteurs de la Révolution ! Ils marchent sur le ventre des honnêtes gens, pour s’élever !… Allons, mon cadet, reprit M. Delmay, un bon mouvement ! Viens avec ton frère et moi. Qu’importe le corps ! grenadiers, fusiliers, chasseurs, dragons, tu serviras aussi bien notre brave ville à cheval qu’à pied. Au moins tous les Delmay seront réunis. »
    Bernard éprouvait une répugnance d’instinct pour ces jeunes gens puant la vanité,

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