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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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représentation, non pour l’intimité. Il y avait une somptueuse bibliothèque, billard, salon de musique, en rotonde, qui se continuait par un jardin d’hiver. Partout, des bouches de chaleur entretenaient une température printanière. Ici, on ne manquait pas de combustible.
    Lise venait avant l’heure des visites. Il était midi. Seule dans le salon de musique, M me  Naurissane jouait du clavecin. Elle s’interrompit sur-le-champ, et prenant à peine le temps d’embrasser sa sœur :
    « Eh bien ! s’exclama-t-elle. Il a donc jeté le masque, cet intrigant ! »
    Comme Lise, stupéfaite, lui demandait de quoi elle parlait : « De ton mari, parbleu ! répondit-elle en saisissant la gazette posée sur un pupitre. Tu as lu sa diatribe, j’imagine. N’as-tu pas compris que c’est une déclaration de guerre contre nous ?
    — Qui, nous ? Je ne t’entends pas, ma bonne.
    — C’est pourtant simple. Viens, je vais te mettre les points sur les i. »
    Elle l’emmena dans le jardin d’hiver. Parmi les buissons de plantes vertes, des camélias étaient épanouis. Les violettes de serre commençaient à fleurir. Les précieuses roxburghies lançaient leurs larges feuilles côtelées et luisantes à l’assaut des vitrages. Les deux femmes s’installèrent sur un sofa où elles étalèrent leurs robes. Là, Thérèse, prenant les mains de sa sœur :
    « Ma pauvre Lison, tu sais maintenant pour quel motif ce garçon t’a épousée.
    — Pourquoi « maintenant » ? Je l’ai su d’abord. Il lui fallait se marier, comme tout le monde. Je lui ai paru acceptable, et voilà.
    — Pas du tout. Que tu es naïve ! Il t’a épousée pour devenir le beau-frère de Louis, voyons ! C’était cela, son idée, mais je soupçonnais autre chose de plus tortueux, sans pouvoir en faire état, car ce n’était malgré tout qu’un soupçon. Or cela se réalise exactement.
    — Quoi donc ? enfin ! s’écria Lise.
    — Patience ! j’y viens. Vois-tu, Claude est très rusé. En te choisissant, il mettait deux cordes à son arc. Il pensait que son dessein de se pousser grâce à nous pouvait ne pas réussir. Dans ce cas, en prenant pour femme une modeste bourgeoise, la fille d’un ancien commerçant sorti de rien, il se ménageait un second moyen de parvenir : jouer la carte de la petite bourgeoisie, du menu tiers. Cette carte, il vient de l’abattre. Faute d’avoir pu accéder par nous – « les riches, égoïstes et jouisseurs », comme il l’écrit aujourd’hui – aux grands emplois qu’il ambitionne, il compte désormais s’y faire porter par les petites gens, à la faveur d’un bouleversement général. Un ministère du tiers état, il a toujours eu cela derrière la tête. Tu saisis maintenant la raison de cet article ? Et de cette signature ? Mounier-Dupré, c’est une enseigne.
    — Je ne comprends pas très bien. Pourquoi dis-tu qu’il n’a pu réussir grâce à vous ? Il n’a point essayé.
    — Comment ça ! Il a demandé à Louis un prêt pour acheter une charge au Parlement. Je croyais qu’il t’en aurait touché un mot.
    — Pas le moindre, dit Lise. Il ne m’entretient pas de ses affaires. D’ailleurs, il n’y a pas grande intimité entre nous, tu le sais bien.
    — Oui, et j’enrage. Quel gâchis ! Je ne le pardonnerai jamais à notre père. Oh ! je lui ai mandé toute l’histoire, avec les commentaires appropriés ! J’espère qu’il doit commencer à se mordre les doigts de n’avoir pas voulu m’entendre.
    — Laisse donc. Cela ne sert à rien. En tout cas, Louis a eu bien raison de repousser cette demande.
    — Il ne l’a pas repoussée. Il a simplement dit à Claude qu’il n’était pas en mesure de lui avancer des fonds en ce moment ou de se porter garant pour lui. Rends-toi compte : il doit encore cent cinquante mille livres sur la construction et l’aménagement de cet hôtel. Il vient d’en verser comptant cent soixante mille au baron de Villoutreix pour l’acquisition de Brignac, avec un reliquat de cent quarante mille autres à payer en cinq fois. De plus, le rajeunissement du château va lui coûter quelques beaux deniers. Il y a des moments où tout cela me fait un peu peur, je te l’avoue. »
    Ces chiffres donnaient à Lise le vertige. Que d’argent outrageusement prodigué alors que tant de familles avaient à peine de quoi se chauffer et se nourrir. Les amis de Claude protestaient à juste titre contre une inégalité des

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