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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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flambeaux posés parmi les couverts et la verrerie sur la nappe blanche qui réverbérait leur lumière, quelques remuements de vaisselle dans la cuisine, les craquements des bûches sur les chenets devenaient distincts. La glace en deux parties dans le trumeau de la cheminée reflétait le haut des visages brusquement tendus. Claude releva les yeux.
    « Ce n’est pas tout à fait ainsi, mais c’est en partie exact, dit-il, regardant sa femme bien en face. J’ai eu cette faiblesse, car c’était cela, par-dessus tout : une faiblesse, de songer à une charge au Parlement alors que je savais le Parlement déconsidéré par sa sourde résistance à la réunion des États, par sa prise de position contre le vote par tête, et qu’il disparaîtra sans doute, un jour prochain. »
    Le cartel, sur sa console au mur, sonna six heures. Les yeux de Lise restaient d’un bleu froid sous la courbure blonde des cils. Claude reprit :
    « Je ne vous ai point parlé de mes intentions ni de ma démarche auprès de Louis parce que… eh bien, parce qu’elles me déplaisaient à moi-même. Accordez-moi la grâce de m’en croire, Lise, je vous prie. Et si vous voulez une entière franchise, sachez que j’ai tenté cela pour vous.
    — Pour moi ! Vous me la baillez belle ! »
    Elle ne le croyait pas, il s’en rendait bien compte. Ses petites narines sensibles frémissaient, toute sa figure était distante, fermée. La figure qu’il lui voyait à Thias quand il avait commencé à lui faire la cour.
    Elle saisit les mouchettes pour couper la mèche d’une des chandelles qui fumait.
    « Racontez-moi cette fable. Elle m’amusera peut-être.
    — À quoi bon ? si vous prenez les choses ainsi.
    — Je les prends comme elles apparaissent avec évidence. Dites toujours. Je suis curieuse si je ne suis plus crédule. »
    Il ne souriait plus, à présent. Une longue ride barrait son front. Une autre, courte, oblique, creusait d’une ombre sa glabelle charnue.
    « Vous méritez autre chose que d’être l’épouse d’un médiocre avocat de province : ce que je resterai toujours, Lise, si je ne prends pas un moyen de m’élever. On parle beaucoup de mon bel avenir. Quelle plaisanterie ! Je n’en ai aucun, en réalité. Dans l’état présent des choses, je suis destiné à demeurer un robin obscur : ce que serait encore M. de Reilhac s’il n’avait hérité la charge de son père, ou Louis si ses parents ne lui avaient fourni de quoi en acquérir une. Les miens ne sont pas riches, vous le savez, et je ne gagnerai jamais, dans ma profession, assez d’argent pour acheter une charge. Voilà pourquoi j’ai eu recours à Naurissane. »
    Une fable, oui, c’était bien une fable. Lui, si réellement éloquent lorsqu’il croyait à ses propres paroles, il débitait ces pauvres arguments avec embarras.
    « C’est bon, dit Lise froidement. N’en parlons plus. »
    Elle agita la sonnette pour appeler Mariette, la servante. Celle-ci repartie, une fois le couvert enlevé, Claude voulut reprendre.
    « Vous ne me croyez pas.
    — Oh ! dit-elle avec un geste d’indifférence, peu importe !… J’ai mal à la tête, si vous le permettez je vais me retirer.
    — Non, restez ici, je vous en prie. Vous y aurez plus chaud. C’est moi qui m’en vais : je descends travailler. Bonsoir. »
    Elle lui fit un signe du front, et se laissa baiser la main sans rien dire. Comment admettre que l’on fût sincère en proclamant certains principes et en agissant à l’inverse ! Pendant qu’il cultivait les Naurissane, Claude continuait ici, avec ses amis, à dénoncer l’illogisme et l’injustice d’un état de choses où, dans le même temps, il intriguait pour se faire place. Imaginerait-on fourbe plus achevé ? Il dupait tout le monde. Chacun prenait le change sur cette bonhomie à laquelle elle avait cru, elle aussi. C’était bien, décidément, un masque. Seule Thérèse !…
    Elle retourna la voir, le lendemain, de bonne heure. Tout d’un coup, par un de ces changements brutaux, propres au climat limousin, la température s’était radoucie. Simple trêve du froid, sans doute. Il y avait un espoir de bleu et de pâle soleil dans le ciel dont la grisaille devenait transparente.
    Thérèse triompha en écoutant sa sœur.
    « Tu vois ! Quand je te le disais ! Je l’ai jugé dès l’abord.
    — Dans ce cas, s’écria Lise, pourquoi ne m’as-tu pas mieux défendue de lui ?
    — Mieux défendue ! Par

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