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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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exemple ! N’ai-je pas tout mis en œuvre pour convaincre notre père ?
    — Oui, tu as vigoureusement combattu Claude, mais tu n’as pas le moins du monde soutenu Bernard Delmay. C’eût été pourtant le meilleur moyen de…
    — Bernard, Bernard ! Enfin, voyons, ce n’est rien, ce garçon.
    — C’était tout, murmura Lise, les larmes aux yeux. Tout pour moi.
    — Une amourette !
    — Dont le souvenir et le regret ne me quitteront jamais.
    — Mon petit cœur, c’est absurde ! fit Thérèse en l’enlaçant. Tu aurais eu avec lui une position misérable. Je te l’ai toujours dit, on ne pouvait pas prendre cette histoire au sérieux. Ce n’était qu’un commis de boutique.
    — Notre père a commencé encore plus bas.
    — Oui, seulement Bernard ne s’élèvera jamais. Il n’a ni l’étoffe ni la moindre ambition, si Claude en a trop. Bernard restera toute sa vie un médiocre petit commerçant du faubourg. Quelle triste existence eût été la tienne ! L’amour n’y aurait pas résisté longtemps.
    — Et quelle merveilleuse existence est la mienne ! »
    Ce fut à Thérèse de soupirer. Elle serra plus fort sa sœur contre elle en lui caressant la joue.
    « Mon pauvre petit cœur ! »
    Elles se turent. Un pâle rayon enfin apparu s’allongeait sur les dalles du jardin d’hiver. À travers les vitrages, on apercevait dans un pastel de brume faiblement dorée le parc avec ses arbres nus, sa statue de Diane, sur un piédestal, au milieu du bassin : une terre cuite que Louis, galamment, avait voulu à la ressemblance de sa femme.
    « Alors, dit celle-ci, que vas-tu faire, ma Lison ?
    — Que veux-tu que je fasse ! J’avais de l’estime et un certain bon vouloir pour Claude, je n’en ai plus, il n’en reste pas moins mon mari.
    — Tu n’as jamais songé, dit Thérèse au bout d’un instant, qu’une femme malheureuse en ménage a bien des moyens… enfin que… qu’elle peut, disons : trouver des compensations ? ».
    Lise rougit. Si, depuis la veille au soir, elle avait laissé venir à elle ce sentiment. Oh ! rien de formulé, rien même de tout à fait conscient ! Elle avait décidé que Claude ne la toucherait plus. Pour n’aller point au-delà, il aurait fallu n’avoir pas, frais encore à l’esprit, l’exemple de Werther, de Julie, de Clarisse Harlowe, toutes deux persécutées comme elle par leur père. Comme Julie, comme Charlotte, elle n’eût point entendu d’autre voix que celle du devoir. Mais Albert, mais Wolmar restaient, eux, tels qu’elle avait cru Claude, vertueux, loyaux et bons. Des hommes dont le caractère inspire naturellement à une épouse le désir d’être fidèle.
    « À tout prendre, poursuivit rêveusement Thérèse, ce mariage, tu l’as subi sans y consentir. Jusqu’à quel point peut-il t’engager ? »
    Un demi-sourire se joua sur les lèvres de Lise. Voilà sans doute ce que Thérèse avait en tête, hier soir, quand elle disait d’un air mystérieusement prometteur : « Sait-on jamais ! »
    « Si Marie-Élisabeth t’entendait me parler de la sorte ! »
    C’était leur sœur, la religieuse du Calvaire.
    « Laissons le cilice et les macérations aux dévotes. En ce temps où chacun réclame si fort son droit, une femme n’a-t-elle pas celui de vivre ? Et tu ne vis pas ; cela me fait mal, ma Lison. Ah ! pourquoi n’as-tu pas usé plus coquettement de tes charmes avec le chevalier de La Barre ou Jacques Mailhard, comme je t’y poussais ! Au lieu d’aller te coiffer d’un Bernard ! C’est à l’un de ces deux garçons que je t’aurais mariée. Tu serais heureuse aujourd’hui.
    — Ils n’avaient ni l’un ni l’autre l’intention de m’épouser.
    — Avec un peu d’adresse, on fait faire aux hommes bien des choses dont ils n’ont pas la moindre intention. Sais-tu, ajouta Thérèse sur un autre ton, que le beau Jacques n’a jamais été plus épris de toi ? C’est manifeste, et, mon Dieu, je ne vois pas…»
    Un valet annonça le baron de Thouron : vieil homme disert, d’un formalisme un peu suranné, comme sa perruque. Lise s’était laissé surprendre, elle ne pouvait plus s’en aller sans avoir l’air de fuir. Bientôt entrèrent M me  Meulan d’Ablois, femme de l’intendant, puis d’autres familiers et justement, parmi eux, Jacques Mailhard. C’était le fils du trésorier de France, Mailhard de Lalande, dont la sévère demeure, bâtie cent cinquante ans plus tôt, se trouvait

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