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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vous voir ? »
    Il n’eut pas le temps de répondre, Thérèse s’avançait. Lise s’élança et, la prenant par le bras, l’entraîna, laissant Mailhard sur place non loin de Bernard, tous deux le chapeau à la main, assez interdits. Ils se regardaient l’un l’autre sans comprendre. Enfin ils se saluèrent machinalement, le beau Jacques avec quelque défiance.
    — Monsieur. »
    Thérèse n’était pas moins stupéfaite.
    « Eh bien, par exemple ! Que se passe-t-il ?
    — Rien. Ne me demande rien, je ne sais pas, je t’expliquerai plus tard », chuchota Lise haletante. Soudain, se récriant : « Oh ! mon Dieu ! Claude va vouloir m’emmener. Ah ! non, non, je ne veux pas quitter Limoges en ce moment !
    — Quitter Limoges ! Qu’as-tu donc ? Tu perds la tête !
    — Tu ne te rends compte de rien ! Claude est nommé, il va partir.
    — Calme-toi, voyons ! dit Thérèse. Je ne sais ce qui te prend, en tout cas je t’assure qu’il coulera encore pas mal de jours avant le départ de ces messieurs. D’ailleurs tu ne t’imagines pas que nos époux vont transporter leurs pénates à Versailles ? Iront-ils seulement ? De toute façon, ils n’y resteront guère. Ces États, ce sera un feu de paille. »
    Lise ne partageait nullement cet avis. Fébrile, oubliant mari et père, refusant de se confier pour l’instant à sa sœur inquiète, elle se laissa reconduire en voiture place Dauphine où elle quitta Thérèse en lui disant qu’elle voulait être seule.
    « Ne te tourmente pas, ajouta-t-elle, je vais très bien, j’ai seulement besoin de réfléchir. »
    Elle n’entendait absolument pas révéler ce qu’elle venait d’apprendre. Peu favorable à Bernard, Thérèse serait capable… Non, non !… Mais comment savoir, et très vite, quels étaient au juste les sentiments de Bernard pour cette fille ? Si elle l’avait refusé, elle ne l’aimait donc pas. Et lui-même, à présent ?… Comment le rencontrer, puisqu’ils n’avaient pu fixer une assignation ? Aller chez lui ? Démarche trop aventurée, pour le moment. Si gentille que fût Léonarde… Et puis, ils ne pourraient parler librement. Lui écrire ?…
    Elle tremblait de perdre une ultime chance, peut-être une chance inespérée. Un instant, elle envisagea d’envoyer quérir Babet, sous prétexte de se faire coiffer. Elle parviendrait bien à lui soutirer des confidences. Là-dessus arriva M. Dupré.
    « Où es-tu donc passée ? s’exclama-t-il. Nous t’avons cherchée partout. Ton mari est à la maison de ville avec les élus. On t’attend chez tes beaux-parents où tout le monde doit se réunir.
    — Je suis malade, répliqua Lise qui n’hésitait plus à mentir. On ne respirait pas, dans cette chapelle ; cela m’a incommodée.
    — Tatata ! Tu ne souffres pas au point de ne pouvoir me suivre. Tu ne saurais t’en dispenser. Un jour comme celui-ci, que dirait-on si tu manquais à être auprès de ton époux ? »
    Comprenant qu’après son père les uns ou les autres viendraient la relancer, elle céda. Ces heures à la Manufacture de porcelaine où tout le monde était en liesse furent pour elle exténuantes. Deux fois, au bord d’une attaque de nerfs elle quitta le salon pour se réfugier dans la chambre de sa belle-mère. Celle-ci la rejoignit, alarmée.
    « Qu’avez-vous, mon petit chat ? Des vapeurs ? »
    C’était une petite femme douce, charmante. Lise éprouvait vis-à-vis d’elle quelque honte d’être pour son fils si différente de ce qu’elle la croyait.
    « Ou bien y aurait-il une espérance en route ? questionna M me  Mounier dont le visage s’illuminait d’une tendre émotion.
    — Oh ! non, non ! C’est l’énervement, rien que l’énervement. J’ai besoin de rester tranquille un instant. Cela va passer. »
    L’expression de cet espoir si naturel chez une mère, qui n’avait aucune chance de se réaliser, mettait l’épreuve au comble pour Lise. Mais même le remords ne pouvait l’empêcher d’être tout entière tendue vers Bernard. Elle vibrait d’impatience, de crainte. Si Claude voulait partir et l’emmener, que ferait-elle ?
    En rentrant chez eux, seule avec lui après que Montaudon et les Dumas les eurent quittés sur la place sombre où la lune faisait luire les jets de la fontaine, elle n’attendit pas une minute de plus pour le questionner.
    « Non, répondit-il, je ne m’en irai certainement pas avant plusieurs semaines. Il faut

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