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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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dans cette diction assez différente de celle qu’elle connaissait à Claude en petite compagnie ou dans l’intimité, Lise en subissait elle aussi l’action. Sa sœur, plus que jamais agacée par Mounier, la vit se pencher un peu, les yeux fixés sur son mari. « Elle ne va tout de même pas l’admirer, comme tous ces imbéciles ! » pensait Thérèse doublement furieuse, car selon elle c’était Louis qui eût dû se trouver à la place de Claude.
    Non, Lise ne l’admirait pas, mais en considérant de haut et de loin, dans la solennité de l’assemblée, ce garçon de belle prestance dont la personnalité s’imposait à chacun, elle songeait que bien des femmes devaient l’envier, elle, et qu’elles eussent été comblées de l’avoir, lui, pour époux. Qu’un « si bel homme », comme disait Mariette, fût un intrigant, un comédien, leur eût importé peu. « Il vous aime à la passion. » Oui, un comédien, capable de tromper même la fine Jeanne Dumas. En l’observant ainsi, Lise remarqua tout d’un coup qu’il avait sensiblement maigri. « Eh quoi ! » conclut-elle avec colère, « si son ambition lui coûte la santé, ce sera sa juste punition. »
    Ce petit accès de chaleur passé, ce fut de nouveau avec indifférence qu’elle assista, rencognée sur son siège, à l’adoption du projet – sans le moindre débat. Aussitôt, on vota pour la désignation des députés. Là non plus, rien d’inattendu : Antoine de Reilhac en premier, Claude Mounier-Dupré, Louis Naurissane, enfin René Montaudon furent élus. Pierre Dumas arriva seulement cinquième. Il fut nommé suppléant, avec le chirurgien Boyer. Sur quoi, la noblesse rentra en séance, annonçant qu’elle avait choisi, pour la représenter, le comte des Cars, lieutenant général du gouverneur militaire, et le vicomte de Mirabeau. Le clergé, lui, ne paraissait point. On apprit qu’une violente opposition menée par le curé Gay de Vernon et ses deux frères, d’Église eux aussi, s’était élevée contre l’évêque. Enfin, les prêtres revinrent, échauffés encore. Ils avaient élu tout de même, à une faible majorité, M gr  d’Argentré, en lui associant le curé de Saint-Pierre-du-Queyroi, paroisse dont le collège royal, touchant l’église Saint-Pierre, faisait partie.
    Grâce à son père, Bernard avait assisté à la séance – debout, pressé au fond des tribunes. Il n’eût point pensé s’y introduire, n’étant pas de condition. Curieux de voir au moins les entrées et les sorties, il accompagnait jusqu’à la chapelle son beau-frère, électeur nommé par le quartier Manigne, quand ils avaient rencontré sur la place M. Delmay. En sa qualité d’échevin, il lui était facile de faire ouvrir à son fils par le guet de la ville, de garde aux portes, la galerie des tribunes. Là, noyé dans l’affluence, serré contre un superbe représentant de la jeunesse dorée – Jacques Mailhard en personne –, Bernard, sans rancune, applaudit en lui-même à l’élection de Mounier-Dupré, mais n’aperçut point Lise. Elle non plus ne pouvait le remarquer. En revanche, dans le tohu-bohu de la sortie, le hasard les mit côte à côte. Ils descendaient ensemble l’escalier sombre, se touchant presque, trop proches pour se voir, lorsque la jeune femme le regarda, comme avertie soudain par un sens mystérieux.
    « Bernard ! »
    Elle s’appuya sur lui, les jambes faibles. Il la soutint poliment.
    « Pardonnez-moi, s’excusa-t-elle. C’est la surprise.
    — Madame, je vous en prie. »
    Ils continuèrent à descendre,sans ajouter un mot, elle tenant toujours le bras du garçon. En bas, dans la cour du collège, plus à l’aise malgré le mouvement et le brouhaha, Lise, s’étant un peu dominée, lui dit qu’elle avait appris son prochain mariage.
    « Je souhaite de tout mon cœur, Bernard, que vous soyez heureux, très heureux. »
    Il la considérait, l’air surpris.
    « Mon mariage ! Je ne comprends pas.
    — Comment ! mais la… cette personne… la coiffeuse de ma sœur !
    — Ah ! Babet ! Eh bien ?
    — Elle lui a dit que vous l’aviez demandée. Ne vous mariez-vous pas ?
    — Non. Je lui ai offert de l’épouser, c’est exact. Elle n’y a point consenti. »
    Accompagnée par Mailhard, Thérèse sortait, cherchant des yeux sa sœur.
    « Bernard, jeta celle-ci, oppressée, il faut que nous parlions, je vous en supplie, il le faut absolument ! Vite ! où pourrais-je

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