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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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vu là le Prince Noir massacrant leurs voisins de Limoges-Cité, partisans du roi de France. Sur ce terrain, parfois le frère avait combattu son frère ; le père, son fils. Avec le temps, les deux villes, poussant l’une vers l’autre des constructions paisibles, s’étaient jointes. Il ne restait de ce champ de bataille qu’une place – dite place Boucherie – et un boulevard dont les tilleuls, ce matin, tendaient au jeune soleil leurs branches rougies de bourgeons.
    °Le collège royal bordait le boulevard. L’arrière des bâtiments et la chapelle s’ouvraient de l’autre côté, tout près de la place, dans l’étroite rue Boucherie. La lumière, encore frisante à cette heure, soulignait d’ombres les pilastres, les entablements, les frontons, les niches en coquille : tout l’ensemble de style jésuite, plaqué sur un appareil assez rudimentaire, comme les deux tourelles à bonnet pointu qui épaulaient cette façade. Si bien qu’en dépit de ses ornements l’église offrait plutôt un aspect militaire. En outre, quand on arrivait par la rue de l’Arbre-Peint, un des singuliers clochetons du collège, apparaissant par-dessus ladite église ou chapelle, évoquait les épaules et la tête d’un guetteur en armure et casque noirs.
    L’intérieur sans piliers formait un assez vaste vaisseau, très clair. Tournant le dos à l’autel, les magistrats du présidial et de la sénéchaussée : conseillers, gens du Roi, le lieutenant d’épée, le lieutenant criminel, étaient assis en robes du palais. Ils composaient un groupe uniforme, noir et rouge, où tranchait la blancheur des hermines. Sur un côté du vaisseau, se tenait le tiers état, imposant par son nombre. Les campagnards en habit court à basques y voisinaient avec les fastueux citadins du genre Naurissane. En face, siégeaient la noblesse et le clergé, à droite et à gauche du grand sénéchal qui présidait, assisté par le lieutenant général de Reilhac, le procureur du Roi et les huissiers. Cet ordre n’avait pas été établi sans mainte querelle de préséance. Aujourd’hui, tout le monde était très digne, très pénétré de l’importance de ce qui s’accomplissait ici. Pour en affirmer la solennité, le comte des Roys avait revêtu le grand costume des cérémonies de la Cour : manteau en satin noir à revers de brocart d’or, habit de velours noir à boutons d’or, ouvert sur la veste en même brocart, culotte de velours noir, bas de soie blancs, manchettes et longue cravate de dentelle. Son chapeau à la Henri IV, au bord rabattu, sauf sur le devant où un bouton d’or le tenait relevé, s’empanachait de plumes blanches. Il portait sur les épaules les cheveux divisés en trois queues, l’épée au côté. Sur sa poitrine, le ruban soutenant la croix des chevaliers de Saint-Louis – belli virtutis proæmium – mettait une tache écarlate.
    Lise avait pris place avec sa sœur dans les tribunes très garnies. Elle écouta sagement les discours qui préludaient aux opérations. Après quoi on fit l’appel des délégués et l’on décida que le clergé se rendrait au couvent des Feuillants – tout proche, en bordure de la place Tourny – pour délibérer sous la présidence de l’évêque ; la noblesse, dans la salle des exercices du collège, sous la présidence du comte des Roys ; le tiers état resterait dans l’église, avec M. de Reilhac comme président. Chacun des trois ordres devait s’accorder sur son cahier de doléances et choisir ses députés aux États généraux.
    Les prêtres, les nobles sortis, Claude, sur l’invitation du lieutenant général, se leva. Tourné vers ses pairs, il commença de leur lire le projet ratifié la veille par les cinq autres délégués de mission, et dont il était le principal auteur. À ce titre, il lui revenait de présenter le texte, de l’expliquer, de le défendre au besoin, en leur nom. De plus, M. de Reilhac et le maire, auxquels la conciliante bonhomie de Mounier-Dupré dans les discussions avait beaucoup plu, voulaient le mettre en avant. Sa voix prit tout de suite l’auditoire. Grave, chaleureuse, elle émouvait. Surtout, elle éclairait les phrases, elle donnait aux idées une réalité vivante. Les braves campagnards eux-mêmes comprenaient. Ils béaient de satisfaction en apprenant par la bouche de ce jeune homme ce qu’ils désiraient sans en avoir jusque-là une notion bien nette.
    Saisie par ce qu’il y avait de nouveau pour elle

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