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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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non pas contre les cités, qui les faisaient vivre en achetant leurs produits. Il eut l’occasion d’en parler avec Nicaut. Sans dire tout ce qu’il soupçonnait, le « Vénérable » lui répondit :
    « Je me demande s’il n’y aurait pas là quelque manœuvre de la faction d’Orléans, si ce n’est de Provence. L’un comme l’autre pourrait vouloir provoquer le peuple à s’armer, et s’appuyer alors sur lui pour se faire substituer à Louis XVI sur le trône. Ou bien, ou bien… n’y aurait-il pas là-dessous une influence de l’étranger ? L’Angleterre serait ravie de nous voir sombrer dans le désordre civil. Il faut l’éviter à tout prix, nos espoirs y périraient infailliblement. Mon cher Mounier-Dupré, votre tâche, à Versailles, ne va pas être facile.
    — Je le crains. Cette prétendue révolte des paysans contre Limoges, la croyez-vous possible ?
    — Non. Cela me paraît absolument inimaginable. »
    Ce dialogue eût bien surpris M. Delmay. Pour lui, c’était Nicaut en personne avec les démagogues de sa clique, qui faisaient courir cette rumeur. Leur but ? On le devinait aisément : que la populace s’emparât des armes ; appuyés sur elle, ils imposeraient leur loi. Ils savaient employer le peuple à leurs fins, l’affaire du chariot le montrait assez. Si le bonhomme de Panazol n’avait été des leurs ou soudoyés par eux, aurait-il voituré son grain juste un dimanche : jour où, dans le désœuvrement général, ce charroi devait nécessairement attirer l’attention. Et pourquoi promener ouvertement des sacs, quand on pouvait les masquer avec de la paille, du foin, des fagots ou n’importe quoi ! Le coup monté se voyait comme un nez au milieu d’une figure. Si Bernard, bon naïf, n’était allé quérir Mounier-Dupré, c’est un autre que l’on aurait mis en avant : le Montaudon, sans doute, ou Dumas, troisième valet. Mais quel outrecuidant, ce Mounier ! Se constituer, de son propre chef, arbitre entre la population et ses magistrats ! Il avait fallu encore le remercier de ce camouflet aux corps municipaux, à toutes les autorités présentes. On ne dit pourtant pas plus impudemment : Vous n’êtes rien, constatez-le. Quand nous voudrons, nous nous ferons mettre à votre place par le populaire, voyez comme il m’obéit !
    Bernard n’ignorait point la prévention de son père contre Mounier-Dupré – contre M. Mounier lui-même. M. Delmay considérait celui-ci, depuis longtemps, comme un brouillon, l’accusant d’avoir laissé péricliter l’excellente affaire de cartonnages en gros, héritée de ses parents. Il l’avait vendue pour acheter une faïencerie qui, transformée en manufacture de porcelaine, s’en allait entre ses mains à la faillite. Voilà où mène la fureur du changement. Le fils tenait de son père : plaider au Présidial ne le contentait plus, il fallait qu’il se fît avocat de carrefour, d’assemblée. Quand on a choisi une profession, on s’y tient, bon Dieu ! D’ailleurs, ce n’est pas à des galopins de vingt-sept ans que l’on doit confier la chose publique. À un Naurissane, oui, un Reilhac, hum ! bien utopiste, celui-là ! En tout cas, point à ces béjaunes : des polichinelles dont Nicaut et ses acolytes tiraient les ficelles.
    Sans aller si loin, le paisible Jean-Baptiste lui non plus ne se montrait pas chaud pour Mounier-Dupré.
    « Ma foi, avait-il dit à Bernard le soir des élections, je n’ai pas voté pour lui, il n’a point ma confiance. Trop de choses dans sa conduite se comprennent mal. Après son mariage on se serait attendu à le voir nanti de quelque bonne charge, grâce à Naurissane, tout à coup le voilà champion des réformes les plus radicales. Il n’était pas si avancé, cet été, à Thias. Il va trop vite et trop soudainement pour que cela ne cache pas du louche. Sous prétexte de nous éclairer, lui et ses amis ont provoqué une agitation dont ils sont seuls à profiter. Si la sénéchaussée avait tenu ses États l’an dernier personne n’aurait songé à élire un Mounier ni un Montaudon. »
    Léonarde, qui servait la soupe, était intervenue, déclarant :
    « Moi, je me méfie de ces gens enragés à tout changer. Ils mettent le désordre et ne font rien de mieux. Ton Mounier-Dupré a voulu s’occuper du pain, aussitôt il a fallu la croix et la bannière pour en trouver. C’est un gâte-tout, voilà mon avis. »
    Rien de tout cela n’entamait la confiance de

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