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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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raison là-dessus ! Comme je vous aime mal ! moi qui ai la sottise de donner une trop grande part de mon cœur à ce malheureux royaume et à des gens peu soucieux, à tout prendre, du bien qu’on veut leur dispenser. Hélas encore ! je le sens trop, Lise, malgré moi l’inquiétude, la turbulence de mon esprit m’empêcheront toujours de m’en tenir à une pensée exclusive. Pardonnez-moi. Du moins en ai-je une qui pourra peut-être réparer le mal que je vous ai fait sans le vouloir. Je l’ai depuis longtemps, et ne suis point le seul à la nourrir. Quand je l’étudiais, ces dernières années, en me replongeant dans le droit romain, je n’imaginais point alors forger un couteau avec lequel j’aurais à m’amputer moi-même. Bref ! voici la chose : il existait à Rome, le savez-vous ? une institution complémentaire à celle du mariage et qui la corrigeait, en quelque sorte. Cela s’appelait divortium : le divorce, dissolution légale d’un mariage. À l’exemple de nos grands philosophes, j’avais mis cet usage au nombre des réformes indispensables à l’établissement de la liberté des individus. Je puis vous dire, après avoir tâté là-dessus l’opinion, que le divorce sera, un jour prochain, établi, ou rétabli. Car nous abattrons la tyrannie religieuse comme nous abattrons l’absolutisme monarchique, nous délivrerons les consciences et les cœurs en brisant toutes chaînes. Ce jour-là, ma chère Lise, la liberté que je vous ai lassée vous sera légalement reconnue. Vous pourrez alors vous unir, aux yeux du monde, avec l’époux dont vous aviez fait choix. Ah ! je l’envie ! Mais vous permettrez, j’espère, que je reste le plus fidèle et le plus dévoué de vos amis. »
    Tout d’abord, cette idée parut à Lise absolument inconcevable. Dissolution d’un mariage ! elle ne pouvait croire que quelqu’un eût jamais pensé à une chose pareille ni que celle-ci eût jamais existé. Le mariage, c’était… le mariage, c’est-à-dire une chose aussi définitive, aussi irrémédiable que la mort. Si les époux ne s’accordaient pas, ils prenaient amant ou maîtresse. Quant à cesser d’être époux, partir pour la lune n’aurait point paru plus irréalisable. En vérité, on s’élevait bien à présent dans les hauteurs célestes avec des sphères en papier, ces montgolfières. Assurément, si Claude disait que le… comment donc ?… ah ! oui : divorce, se pratiquait à Rome, c’était vrai.
    Peu à peu, elle se familiarisa avec cette pensée stupéfiante. Elle pourrait se démarier puis se remarier. Cela semblait incroyable. Bah ! ne vivait-on pas un temps de révolution et de création universelles ! Tout changeait, tout était soumis à la révision de l’esprit humain, à la clairvoyance de sa raison, à sa puissance conquérante. Eût-on imaginé naguère que le fluide des orages pût être ravi au ciel ! que des bateaux dussent se mouvoir sur l’onde grâce à la vapeur d’eau ! Qui aurait eu alors l’audace de songer à restreindre les pouvoirs de la monarchie ? Rien n’échappait à la métamorphose ; les routines, les vieilles superstitions, l’obscurantisme devaient céder partout aux réalités modernes. Ne seyait-il pas à un siècle de lumières que les époux mal assortis eussent la faculté de rompre leur lien, au lieu de demeurer hypocritement unis tout en cherchant compensation, comme disait Thérèse, dans l’adultère ?
    Emportée dans de merveilleuses perspectives, elle se voyait mariée à Bernard, vivant avec lui chaque jour, chaque heure d’une existence toute tissue de joies, tout occupée de lui. Leur rêve n’aurait été qu’interrompu, ils allaient le reprendre. Quel bonheur il allait connaître, le cher cœur, en apprenant !… Elle en riait d’avance, dans sa chambre, avec des larmes heureuses au bord des cils. Un peu plus tard, sa mère, surprise, l’entendit chantonner, ce qui ne s’était pas produit depuis plus de six mois. Elle en fut toute remuée. Ce ménage si mal entrepris s’arrangerait-il donc par correspondance ? Le baroque d’une pareille idée, le saugrenu de l’expression la firent sourire.
    « Nous sommes bien gaies aujourd’hui, toutes deux, dit-elle. Est-ce donc la lettre de ton mari qui t’a mise dans cette humeur ?
    — Oui, oui. Ah ! maman, c’est une lettre délicieuse ! Claude est un homme merveilleux. »
    Allons bon ! ma fille est folle ! Elle le méprisait,

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