Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
recherches, demeurait bien loin. Pour être de la première condition, il ne manquait à Bernard que l’épée. Cette distinction toute simple tenait, chez ce garçon, à l’élégance de ses formes mais aussi à son être moral, assurément. Dommage qu’avec de tels avantages il eût si peu de moyens, si peu cette envie de parvenir dont Mounier débordait ! C’est toujours ainsi : le véritable homme de qualité reste modeste. Si la fortune ou la naissance ne l’ont point placé dans une haute situation, il s’accommode de la sienne. Évidemment, si Bernard eût trouvé cent mille livres dans son berceau, comme Louis ! Oui, il faut reconnaître les choses.
    Rêvant ainsi, M me  Naurissane avait laissé les deux jeunes gens la distancer un peu. À leur suite, elle entra dans la châtaigneraie, plus proche du village que l’étang. Le feuillage des vieux arbres énormes, aux ramures basses, laissait encore passer le soleil qui, chauffant l’humus et la mousse, ajoutait du corps à leur odeur. Thérèse s’assit sur un tronc renversé, depuis longtemps dépourvu de son écorce. Le temps avait donné au bois une douceur de satin, avec un ton gris argent. Un peu plus loin, au bord de la sente sinuant parmi les îlots des fougères, Lise était installée sur un rocher, Bernard debout devant elle. Il n’avait pas été très surpris en apprenant la décision de Claude. Cette générosité répondait bien à l’idée qu’il se faisait de Mounier. Elle s’accordait en outre avec un esprit qui les imprégnait tous : celui de La Nouvelle Héloïse, des illustres héros de Plutarque. Comme Lise tout d’abord, il ne concevait pas la dissolution d’un mariage : pensée jusque-là inouïe. À lui aussi, la question du sacrement importait peu, mais, pour sa vieille hérédité d’honnêteté bourgeoise, esclave des engagements commerciaux, il semblait y avoir dans le consentement de deux êtres une chose qui les dépassait eux-mêmes, à quoi nul ne pouvait plus toucher. Cependant Mounier-Dupré en savait plus que lui, il était meilleur juge.
    « D’ailleurs, dit Lise, je n’ai pas vraiment consenti à ce mariage. Claude s’en est rendu compte, il veut réparer le mal qu’il m’a fait sans le vouloir. Oui, vous voyiez juste. Je regrette profondément de l’avoir mal jugé. C’est un homme admirable.
    — Néanmoins vous le quitterez ?
    — Je l’admire, Bernard, mais c’est vous que j’aime. »
    Le cœur gonflé, il la contempla gravement. Comprenant ce qu’il pensait, elle dit avec douceur : « Je vous ai aimé avant de le connaître, je suis fidèle.
    — Oui, murmura-t-il en lui prenant les mains. Ah ! vous devez me trouver bien froid, Lise…
    — Non. Je sais, et il me plaît que vous ayez ce sentiment à l’égard de Claude. Si toutefois, ajouta-t-elle avec un sourire un peu anxieux, ce n’est pas un prétexte pour vous cacher à vous-même une autre préoccupation. »
    Il secoua la tête. « Non. À mon tour, je vous entends. Vous n’avez aucune rivale. Babet n’a été pour moi, je vous le répète, que l’espoir de me guérir. »
    Lise se pencha en avant, et, le sein soulevé par un souffle rapide : « Puisque vous me devinez si bien, Bernard, dites, oh ! dites-moi ce que je voudrais tellement entendre !
    — Eh bien, oui, c’est vrai, avoua-t-il à voix basse, moi aussi je n’ai jamais aimé que vous… Je vous aime toujours. »
    Elle se redressa en fermant les paupières, comme si ces mots eussent déclenché en elle le suprême transport du plaisir. Une expression radieuse la transfigurait, haussant ses traits de la joliesse à une beauté merveilleusement humaine et divine à la fois. Bernard, ébloui, eut l’impression de voir un instant le visage même de l’amour. Elle avait mis une de ses mains sur sa gorge, comme pour contenir l’expansion de sa joie. Ses cils se relevèrent sur un bleu rayonnant.
    « Mon cœur ! Mon cher cœur ! »
    Son sourire flottait, noyé de langueur. Il prit une inflexion suppliante : « Vous quitterez tout à fait cette fille ? »
    Trop ému pour parler, Bernard fit oui d’un signe du front et des yeux.

X
    Laissant Louis Naurissane et M. de Reilhac loger avec le Berrichon Legrand, riche lui aussi, Claude avait trouvé, tout au bout de Versailles, rue de l’Étang, à l’hôtel du Renard, une chambre moins chère, qu’il partageait avec Montaudon pour diminuer encore leur dépense. Et il attendait. Les États

Weitere Kostenlose Bücher