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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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servait uniquement à parvenir. Elle raconta l’intrigue menée par Claude auprès des Naurissane pour obtenir un siège de conseiller au Parlement, et la façon dont, déçu dans cet espoir, il avait mis aussitôt en marche d’autres batteries. Bernard écoutait avec stupeur.
    « Voyons ! se récria-t-il, ce n’est pas possible. Il ne peut pas être un fourbe. »
    Ces révélations corroboraient pourtant la remarque de Jean-Baptiste sur Mounier : « Après son mariage, on se serait attendu à le voir nanti de quelque bonne charge grâce à son beau-frère, tout à coup le voilà champion des réformes les plus radicales. »
    « Si c’était un hypocrite, dit Bernard frappé à l’improviste par cette idée, cela aurait paru à la paume. C’est un jeu où les caractères se dévoilent. Je n’ai jamais vu Mounier employer les coups de ruse.
    — Cela ne signifie pas grand-chose, répliqua Lise, peu sensible à un pareil argument.
    — Pardonnez-moi, je crois que si. Il ne me paraît guère vraisemblable qu’un homme soit loyal dans un domaine et fourbe dans un autre.
    — Vous êtes trop honnête, cher Bernard, pour concevoir la profondeur de certaines duplicités. »
    Il ne voulut point insister tout en restant convaincu qu’elle ne voyait pas juste. Très honnête, en effet, il ne trouvait aucune satisfaction à la savoir animée contre son mari. Parce que c’était une injustice. Parce que c’était même une manière de trahison – oh ! très involontaire, assurément ! – envers un homme auquel ses convictions suscitaient déjà trop d’ennemis. Comme il devait lui être cruel de ne rencontrer chez sa femme elle-même que mépris, incompréhension !
    « Je crois, dit-elle pensivement, les mains jointes entre les genoux, que Claude est un ambitieux.
    — Admettons-le, si vous le pensez. Sa science, son intelligence, son courage ne lui donnent-ils pas le droit de l’être ? Et puis, avec une femme de votre sorte, comment ne le serait-on point ! Moi-même, si je vous avais épousée, j’aurais eu l’ambition de devenir quelqu’un dans ma modeste sphère, pour que vous soyez fière de votre mari, pour vous offrir les satisfactions auxquelles vous pouvez prétendre. »
    Cette fois, elle fut saisie. C’étaient à peu de chose près les mots qu’avait employés Claude pour se justifier. « Bernard, vous sentez cela, vraiment ?
    — Mais voyons ! N’est-ce pas la disposition naturelle de tout homme envers la femme qu’il aime ?
    — Claude ne m’aime pas, répondit-elle avec plus de force qu’il ne semblait nécessaire. Il ne m’a jamais aimée. Il m’a prise comme enseigne. Il ne s’est pas soucié de mon cœur qui était tout à vous. Il prétend n’avoir pas eu le loisir de dissiper nos malentendus, comme s’il en fallait beaucoup pour s’expliquer. S’il avait tenu à moi, se serait-il donné corps et âme – jusqu’à compromettre sa santé, car il a beaucoup maigri – aux affaires publiques ? »
    Elle continua ainsi, sans dire cependant tout ce qu’il lui avait confessé avant de partir.
    « Voyez, conclut-elle, s’il est rusé ! Il parvient à ceci : en ce moment, alors que nous avons si peu de temps pour parler de nous, nous le gaspillons à parler de lui. Absent, il trouve le moyen d’être plus que jamais présent entre vous et moi. Thérèse le juge machiavélique, elle a raison.
    — Ma foi ! répondit Bernard au bout d’un instant, s’il avait imaginé ce moyen pour vous garder d’un penchant auquel il aurait craint que vous ne cédiez en son absence, cela prouverait combien il tient à vous, combien ce sentiment aiguise son génie.
    — Vraiment ! se récria Lise agacée par une telle obstination. Voyez donc comme vous vous trompez sur lui : il ne tient pas le moins du monde à moi. »
    Elle hésita, une seconde, baissant les yeux. Puis : « Il me l’a dit avant son départ. Il… il m’a même déclaré en propres termes que j’étais libre de disposer de mon cœur et de ma personne. »
    Bernard la dévisagea, stupéfait. Elle était rose, les yeux plus bleus. Il n’eut le temps de rien dire. Leur tête-à-tête avait duré assez longtemps selon Léonarde. Elle venait se joindre à eux. Ensuite, en accompagnant avec elle la jeune femme à la porte du clos, il ne put, à l’instant de la quitter, lui glisser qu’une phrase :
    « Faites très attention à vos sentiments, Lise. Nous ne sommes plus des enfants. »
    Sitôt

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