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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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prétendait-elle, puis tout d’un coup…
    L’aspect de Lise autant que ses paroles justifiait cet ébahissement. Elle restait la bouche entrouverte sur ses jolies dents, les yeux fixes, stupéfaite elle-même par les mots qu’elle venait de prononcer. Ils l’éclairaient à l’improviste. En lisant la lettre, et jusqu’à cette minute, elle pensait uniquement à Bernard. Mais oui, Claude était merveilleux. On n’en pouvait plus douter, cette fois. Ah ! comme elle s’était trompée sur son compte ! comme elle avait été injuste ! L’honnêteté, l’équité, la bonté, la générosité même, il les incarnait. Le plus dévoué des amis. Qu’il le méritait bien, ce titre ! Elle le lui décernait en son cœur, dans un jaillissement de gratitude.
    Elle rit en regardant sa mère, l’embrassa. « Ne faites pas ces yeux, maman. Je ne perds pas la tête. Tout va bien. Tout ira très bien désormais. »
    Le lendemain, Thérèse, elle aussi quittée par son mari, vint passer la journée au hameau. Lise lui en aurait voulu de l’avoir induite en erreur sur le caractère de Claude, si elle eût pu désormais garder rancune à quiconque. Dans son âme ensoleillée, refleurissante, comme la campagne, l’amertume n’avait plus place. Au contraire, avec abandon elle mit sa sœur au courant.
    « Le divorce, fit Thérèse, oui, j’ai dû lire des choses là-dessus dans de vieux auteurs, peut-être Plutarque, ou Brantôme. Je crois même qu’un usage de ce genre a existé en France, jadis, aux temps des tout premiers rois. Comment cela reviendrait-il ? Balivernes ! Claude t’amuse avec cette fable, ne le vois-tu pas ? Il te promène, comme un joli petit ânon que l’on fait marcher à la suite d’une carotte. Et tu trottes. Que dis-je ! tu galopes.
    — Pourquoi pas ? À quoi lui servirait-il de me promener ainsi ? Il n’y gagnerait rien. Non, je t’assure, Claude est sincère.
    — Même dans ce cas, son idée serait aussi folle que les autres projets de réformes dont il s’est coiffé. D’extravagantes chimères ! Leur sort sera bientôt réglé. »
    Cette question de divorce l’irritait profondément, non pas dans ses croyances – elle n’en avait point, elle ne croyait qu’à un Dieu philosophique, une force de vie universelle –, mais parce que l’établissement d’une institution semblable supposait un changement total de l’ordre de choses auquel ses habitudes, ses aises, enfin un certain orgueil l’attachaient.
    « Allons donc ! conclut-elle. Claude sait parfaitement que rien de cela ne se réalisera. Il est toujours aussi menteur, et toi aussi naïve. »
    Lise avait acquis cette fois une conviction définitive. Rien ne l’en ferait plus changer. Elle ne discuta même pas.
    « Peu importe, dit-elle en souriant. D’une façon ou de l’autre, mon avenir se trouve avec Bernard, avec Bernard seul. Tu comprends combien j’ai besoin de lui parler ? Il est là, je l’ai vu arriver tout à l’heure en voiture avec les Montégut. Allons le chercher, veux-tu, ma bonne ?
    — Et puis nous descendrons à l’étang ou bien à la châtaigneraie, et puis je vous laisserai discrètement, et puis je me morfondrai à lire, assise dans l’herbe. Les fourmis me mangeront les chevilles pendant que vous discuterez à perte de vue. C’est cela, hein ?
    — Tu es si gentille ! » dit Lise en l’embrassant. « Je t’adore. » Elles rencontrèrent Bernard sur la placette.
    « Ma parole ! s’exclama Thérèse, vous voilà neuf comme le printemps, monsieur. Au dernier cri de la mode, avec ça ! »
    Il sourit. « Madame, je n’y ai point de mérite. Mon père m’a donné en cadeau une pièce. Le tailleur qui a levé dedans ce costume m’a dit qu’ils se faisaient ainsi, désormais.
    — Oui. C’est un frac. La vogue en vient d’Angleterre. »
    Plus ajusté que l’habit ordinaire, moins juponnant, coupé un peu en forme de sifflet, il se portait non plus sur une veste, qui descendait à mi-cuisse, mais sur un gilet sans pointes. Quand on avait, comme Bernard, le ventre plat, c’était seyant. Dans ce vêtement de taffetas couleur cannelle, avec la culotte de même étoffe, le gilet gris-vert rayé de blanc, une cravate de batiste brodée, tuyautée sur les bords, les cheveux poudrés, retenus par un large catogan gris, il avait, s’avoua Thérèse, la mine tout autre que celle d’un commis de magasin, et un air de qualité dont Jacques Mailhard, malgré ses

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