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L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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rien imaginé de pareil. Néanmoins, en revoyant sa conduite avec elle, elle y découvrait des hésitations, des silences, qui, de singuliers, voire agaçants, devenaient ainsi naturels.
    Ce nouveau message lui-même débutait timidement. La plume, ordinairement si vive, s’embarrassait dans le récit d’une visite à Marie-Antoinette. Tout d’un coup, la pensée profonde jaillissait avec ces mots : « Mais vous aussi, Lise, vous êtes une reine, ma Reine. Je n’ai jamais osé vous le dire. Maintenant que nous sommes loin l’un de l’autre et que, pour vous, tout cela se perd dans le passé, je peux vous faire cet aveu. Si vous songez parfois à moi, un instant, pensez-y comme à un homme que vous avez ébloui et qui vous a aimée dès l’instant où il vous a vue. Cet instant, vous l’avez sans doute maudit, puis certainement oublié. Ses moindres détails en demeurent imprimés au fond de mes yeux. » Il les peignait, revivant avec une évidente exactitude cette rencontre dans le même verger où Lise se trouvait à présent. À la description de sa robe et de sa coiffure, elle pouvait juger qu’il ne mentait pas. Troublée, elle s’arrêta, ses regards quittèrent le papier bleuâtre tandis que son esprit flottait au fil du souvenir. L’odeur des fraises, dans le panier posé près d’elle sur le banc, la sensation confuse du soleil dont un rayon, perçant les feuillages, lui chauffait les genoux à travers ses jupes, la vague conscience de l’heure, la reliaient seules au moment. Elle cherchait dans sa mémoire parmi les images de son mari les traits d’un autre Claude : celui qui s’était révélé en partant, qu’elle n’avait pas connu, et que peut-être elle eût aimé.
    Au long de ses jambes, le soleil descendait lentement. Elle reprit sa lecture. Claude s’expliquait. Il ne voulait pas, écrivait-il, lui laisser le souvenir d’un hypocrite. « Vous avez cru que je l’étais, je ne l’ignorais point mais je ne pouvais rien dire. Aujourd’hui il n’y a plus de raisons pour que je ne vous découvre pas tout. En briguant une charge au Parlement de Paris, je n’allais pas à l’encontre de mes idées, je ne prêchais point une chose pour en pratiquer sournoisement une autre, car cette charge je ne comptais pas la conserver. Pour l’espérer, il aurait fallu être stupide : du jour où le Roi a convoqué les États, il a signé par là même la mort du Parlement. À mes yeux, cet emploi loin de Limoges représentait simplement le moyen de vous soustraire à l’influence de votre sœur. Pour obtenir un tel résultat, je me fusse endetté sans hésitation si Louis eût consenti à m’avancer de l’argent. Il n’est pas besoin de vous exposer pourquoi je souhaitais tant que vous soyez avec moi loin de Thérèse, vous devinez mes motifs. Votre père sait tout cela, du reste. Je lui en avais parlé, il vous le dira. Le soir où vous m’avez questionné – nous soupions tous les deux près de la cheminée, et vous m’apparaissiez comme toujours adorable, avec l’éclat de vos dents et de vos yeux avivé par les reflets des flambeaux – je vous ai répondu que j’obéissais à mon amour pour vous. C’était la vérité. Vous ne m’avez pas cru, vous m’avez méprisé. Que pouvais-je faire ? Vous étiez entièrement prévenue contre moi. Tout ce que j’eusse dit ou tenté, votre ressentiment l’eût tourné en hypocrisie supplémentaire. En vérité, je ne me sentais pas bonne conscience, car je ne vous disais pas tout, je vous cachais mon dessein de vous éloigner de votre sœur. Ce mensonge par abstention me gênait. Il y avait aussi certaine timidité. Quand votre regard, vos lèvres, se chargent de dédain ou de colère, un homme qui vous aime, Lise, ne saurait se risquer à les accroître, ces sentiments. Il m’importe peu de les encourir chez Thérèse, mais chez vous, mon amie ! Quand j’aurais tant voulu ne provoquer que votre joie, votre tendresse ! Il y avait enfin, je m’en accuse, ma fierté à moi aussi. Vous ne m’aviez rien dit, je n’en savais pas moins que vous ne me recevriez plus dans votre chambre. Cela n’était que trop facile à sentir. Une fierté, sotte sans doute, un manque, peut-être, d’humilité et d’amour, mais aussi le respect de votre résolution ne me permettaient point de combattre celle-ci. Vous ne vouliez plus de mes caresses. Soit, je ne voulais pas vous les imposer. Et pourtant, que de fois me suis-je arrêté devant votre

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