Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Amour Et Le Temps

L'Amour Et Le Temps

Titel: L'Amour Et Le Temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
place. Sous sa très digne mais inconsistante direction on piétinait. On ne parvenait à rien. On attendait vertueusement. Une motion de Sieyès, invitant « messieurs du clergé, au nom du Dieu de paix, et dans l’intérêt national, à se réunir aux Communes », n’avait produit aucun résultat.
    « Tu penses ! ricanait Montaudon, ce n’est pas avec un tel pathos qu’on les fera bouger. Tant que l’on parle ce langage, ce n’est pas la peine de baguenauder ici. Moi, au nom du Dieu de Paphos, et dans mon intérêt personnel, je prends un fiacre et je vais passer la journée au Palais-Royal. »
    Au café Amaury, les Bretons prônaient la patience : il ne fallait pas effaroucher les curés. Ils finiraient par échapper à leurs évêques, ils rejoindraient le tiers. L’un d’eux s’en portait garant : l’abbé Grégoire, délégué du clergé de Nancy, qui fréquentait le club. La réunion au café avait pris ce nom, à la mode anglaise. Il y venait aussi quelques députés nobles, en particulier deux frères, deux soldats de l’indépendance américaine : les comtes Charles et Alexandre de Lameth. L’aîné, Charles, faisait, comme Robespierre, partie de la députation artésienne dont il représentait la noblesse. Son frère était délégué du bailliage de Péronne. Tout le monde s’accordait à dire qu’il fallait, par l’union des Communes, du bas clergé et d’une part de la noblesse, former une assemblée représentative de la majorité nationale, laquelle assemblée serait par là même habile à élaborer une constitution.
    En attendant, le mois s’écoulait. À Paris, où Claude allait parfois, c’était toujours le même contraste entre un luxe insolent – pire : inconscient – et une misère que la cherté croissante des vivres, la raréfaction du pain, de plus en plus immangeable, augmentaient de semaine en semaine. Le peuple grondait, la racaille mendiait, la menace dans le regard ; des pillards infestaient la banlieue. Pour tout esprit doué de raison, il devenait évident qu’à la moindre étincelle une explosion allait se produire. Le péril était si sensible, si respirable dans l’air, que les assemblées primaires de quartier : les sections, et l’assemblée générale des électeurs, à l’Hôtel de ville, dont faisait partie Jean Dubon, loin de se dissoudre après les élections, s’étaient d’elles-mêmes prorogées, veillant à l’ordre mais s’agitant elles aussi, fiévreuses, traversées de courants mystérieux comme cette « électricité ambiante » au sujet de laquelle se querellaient le fermier général Lavoisier, le marquis de Laplace et l’Italien Volta.
    « Nous ne pouvons rien, disait Dubon à Claude. Il nous faudrait une force, une sorte de garde communale composée par tous les citoyens honorables, quelque chose comme votre milice bourgeoise limousine. Nous en réclamons la création à la municipalité. »
    Ce soir-là, en rentrant de Paris sous un ciel menaçant lui aussi, Claude apprit par Robespierre, rencontré sur le chemin de leur hôtel, que Mirabeau était venu au Club des Bretons, pour proclamer soudain qu’il fallait prendre l’offensive. Il avait invité Sieyès, recruté depuis peu par Le Chapelier, à mettre en demeure les deux ordres réfractaires par une motion qui constaterait leur carence.
    « Bah ! dit Claude, c’est bien surprenant que M. de Mirabeau néglige une occasion de se faire valoir !
    — Peut-être évite-t-il un risque de se compromettre. Il préfère le laisser à l’abbé et à Lanjuinais qui étudie avec celui-ci les termes de la motion. Leur bombe éclatera sous peu. »
    Effectivement, dès le lendemain, Sieyès prit la parole. Il proposa d’adresser au clergé et à la noblesse une sommation mesurée mais ferme, en leur fixant un délai de deux jours pour se réunir en commune assemblée. Après quoi on procéderait à un appel général, défaut serait rendu contre les députés non comparants. Le public qui, lassé de ce théâtre où rien ne se jouait, ne désertait cependant pas la salle des Menus, applaudit longuement, avec des vivats. Enfin, on se réveillait ! Sieyès lut alors le texte de la mise en demeure. On applaudit encore, la motion fut votée dans l’excitation du public.
    Le délai fixé expirait le 12. Ce fut justement ce matin-là que Claude reçut la lettre de sa femme. La vue de cette écriture élégante et nette comme Lise elle-même l’émut vivement. Mais il

Weitere Kostenlose Bücher