L'ange de la mort
beaucoup pour corrompre Blaskett !
— Qu’entendez-vous par là ?
— Demandez-le-lui ! Je ne suis pas venu répondre à des questions concernant Blaskett.
— C’est exact, concéda Corbett. Vous êtes là pour parler de Montfort. Dites-moi, les jours précédant sa disparition, vous êtes-vous querellé avec lui ?
— Non, je me suis efforcé de l’éviter.
— Lors de cette messe au cours de laquelle il a trouvé la mort, vous lui avez bien redonné le calice après avoir bu du vin consacré, n’est-ce pas ?
— Non, pas du tout, s’écria abruptement Eveden. Rappelez-vous, je me tenais tout de suite à la droite de Montfort. C’est Ettrick qui a bu après moi et a ensuite rapporté le calice au doyen, qui, à son tour, l’a tendu aux trois autres. Mes compagnons ont donc, tous, manipulé le calice et bu après moi.
— Ah oui ! dit Corbett. Quand le calice est finalement revenu à Montfort, vous étiez tout proche, n’est-ce pas, puisque immédiatement à sa droite ?
Eveden eut un petit sourire :
— Vous oubliez un détail, Messire. Montfort avait déjà bu du vin consacré. Il ne l’a pas fait une seconde fois !
— Comment le savez-vous ?
Le bibliothécaire parut désorienté :
— Mais c’est le rituel !
— L’avez-vous vu boire ?
— Je ne l’ai pas vu boire une seconde fois, déclara Eveden avec emphase. Qu’êtes-vous en train d’imaginer ? Croyez-vous que Montfort m’aurait tranquillement laissé verser de la poudre dans le calice et l’inciter à boire à nouveau ? À sa place, n’auriez-vous pas trouvé cela suspect ?
— Si, certainement. Je vous remercie, mon père !
Eveden lui jeta un regard noir avant d’esquisser un semblant de salut et de se retirer avec raideur.
Ce fut ensuite le tour de Plumpton. Tout sourires, le sacristain entra de sa démarche dandinante. Corbett lui posa les mêmes questions et reçut les mêmes réponses. Oui, il détestait Montfort. Pourquoi ? Parce qu’il ne l’estimait pas apte à assumer les responsabilités de sa charge. Plumpton réitéra ses insinuations sur la vie privée de Montfort, mais sans les étayer de la moindre preuve. Corbett l’écoutait en l’encourageant par de petits signes de tête compréhensifs. Le sacristain paraissait fort satisfait de ses propres explications. Aussi Corbett le laissa-t-il discourir jusqu’au moment où le chanoine pensa pouvoir partir. C’est alors qu’en se penchant, Corbett lui effleura la main.
— Deux problèmes me préoccupent, dit-il. Vous vous teniez à gauche de Montfort devant l’autel, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Vous lui avez redonné le calice après que tous les autres célébrants eurent bu du vin consacré ?
— En effet.
— Il vous aurait été donc facile d’y verser du poison !
Plumpton l’admit en haussant les épaules :
— Cela m’aurait été aisé, certes, n’eussent été deux points de détail : d’abord Montfort se défiait de moi, il avait de bons yeux et m’aurait vu mettre quelque chose dans le calice. La messe aurait été, par là même, interrompue de façon dramatique également, mais pour un motif différent. Ensuite Montfort avait déjà communié, comme Sir John de Eveden a dû vous le dire ; il n’avait donc aucune raison de porter à nouveau le calice à ses lèvres.
Corbett s’assit et réfléchit à ce que venait de lui confier Plumpton. Quelqu’un avait-il vu Sir Walter retremper ses lèvres dans le calice, après que l’on le lui eut redonné ? Il avait dû, pourtant, boire du vin consacré une seconde fois, après qu’on y eut versé le poison, car sinon les autres célébrants auraient également péri. Alors, qu’avait-il bien pu se passer ? Il congédia courtoisement Plumpton, mais le rappela soudain.
— Sir Philip, je suis désolé, mais je viens de penser à l’autre problème.
Le chanoine se retourna, la main sur le verrou de la porte.
— Lequel ?
Corbett le dévisagea et comprit que son attitude amicale jusque-là n’avait été qu’un masque, et que le sacristain était en réalité dangereux, ambitieux et impitoyable. La moindre égratignure était perçue comme une menace sérieuse par cet homme qui, issu d’un milieu modeste, comme Corbett, s’était élevé par ses propres moyens et était prêt à se défendre bec et ongles.
— Mon père, expliqua Corbett d’une voix apaisante, j’ai fait allusion à deux problèmes gênants. Voici le second :
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