L'ange de la mort
trouviez pendant le sacrifice de la messe ?
Après un interrogatoire minutieux et malgré les soupirs d’agacement de Hervey, Corbett obtint enfin l’ordre exact : Montfort au centre, Blaskett loin à sa gauche, puis Luce et Plumpton près du célébrant principal, et à sa droite Eveden et Ettrick.
— Dites-moi à présent, poursuivit Corbett, l’ordre du service.
— Vous le connaissez ! protesta sèchement Ettrick, l’aumônier. Vous étiez là. Je vous ai vu traverser le choeur, agité comme un boisseau de puces.
— Vous êtes originaire d’Écosse ? lui demanda Corbett en souriant.
— Oui, des faubourgs d’Édimbourg.
Il se pencha en le foudroyant du regard.
— Et avant que vous ne me posiez la question, je vous déclare que je suis un sujet loyal du roi Édouard. Comme beaucoup d’Écossais. Je vous rappelle que lors de sa récente campagne contre Berwick, plus d’un Écossais se battait pour lui !
— Je n’ai rien voulu insinuer, affirma Corbett sur un ton apaisant. Je vous ai simplement demandé si vous étiez écossais. Mais veuillez m’aider à me rafraîchir la mémoire, Messire Ettrick. Montfort se tenait bien au centre de l’autel, faisant face à l’est, sous la grande rosace et le crucifix, n’est-ce pas ?
Ettrick fit signe que oui.
— Que s’est-il passé entre la consécration et la communion ?
Ettrick haussa les épaules.
— Nous tenions chacun une patène avec une hostie consacrée.
— Et vous les avez consommées ?
— Oui.
— Loin de moi l’idée de proférer un blasphème, dit Corbett pour prévenir toute protestation scandalisée, mais êtes-vous sûr que les hosties distribuées après la consécration ne furent pas échangées sur l’autel ?
— Impossible ! intervint Blaskett d’une voix haut perchée. Soyons honnêtes : nous étions tous près de l’autel. Aucun diacre, aucun servant n’a le droit de toucher au pain ou au vin après leur transsubstantiation.
Corbett prit soigneusement note du terme théologique qu’avait utilisé, plutôt pompeusement, le jeune secrétaire.
— Je réitère ma question, Sir Stephen. Par qui furent consacrées et distribuées les hosties ?
— Par Montfort.
— Par personne d’autre ?
— Non, par personne d’autre, confirma Plumpton, le sourire aux lèvres.
— Et que s’est-il passé ensuite ?
— Oh ! pour l’amour de Dieu ! s’écria soudain Eveden, le bibliothécaire. Vous le savez bien ! Une fois consommées les hosties, nous avons bu le vin.
— Ah oui ! Le calice ! Qui a bu le premier ?
— Montfort. Il me l’a tendu et puis...
Le bibliothécaire s’arrêta un instant.
— ... je l’ai passé à Ettrick, bien sûr, qui l’a rapporté à Montfort. Ensuite, ce fut le tour des célébrants sur la gauche.
— C’est-à-dire ?
— Plumpton, Luce et Blaskett. Oui, c’était bien dans cet ordre, confirma Eveden.
Corbett leva la main :
— Le calice fut rapporté à Montfort ?
— Oui !
— Par qui ?
— Par moi ! répondit Blaskett, l’air furieux.
— Non, le contredit Luce, qui était resté silencieux et attentif jusque-là. Stephen, ce n’est pas vous qui l’avez rapporté, poursuivit-il d’une voix douce et bien timbrée qui contrastait vivement avec celle des autres.
— Qui alors ? s’enquit Corbett d’un ton pressant.
— Vous, Philip, n’est-ce pas ? dit Luce en fixant Plumpton assis en face de lui. C’est vous qui avez redonné le calice à Montfort.
Plumpton se rembrunit :
— Non, ce n’est pas moi ! Ce n’est...
Mais il s’interrompit et s’affaissa sur sa chaise :
— Si, vous avez raison, Robert ! Le calice était passé de main en main sur la gauche de Montfort. J’ai bu du vin, puis ce fut votre tour et enfin celui de Blaskett. Stephen, continua Plumpton avec un coup d’oeil furibond à l’adresse de Blaskett, vous ne l’avez pas rapporté, vous l’avez repassé !
Blaskett opina :
— C’est vrai !
Corbett lorgna vers Hervey dont la plume crissait bruyamment sur le parchemin et lui lança :
— Changez-la, Hervey !
Le scribe accepta la pause avec gratitude, posa sa plume, en prit une autre qu’il tailla de son canif, la trempa dans l’encrier qu’il avait eu soin de réchauffer à la chandelle et se remit à écrire.
— Donc, reprit Corbett, le calice revint. Et ensuite ?
— Nous l’ignorons, poursuivit doucement Luce. Tous, nous avions communié sous les
Weitere Kostenlose Bücher