L'ange de la mort
avait recueillis lui seraient communiqués par le courrier John Enderby, porteur de la missive.
Corbett froissa le parchemin :
— Veuillez entrer !
Enderby grimpa l’escalier à sa suite et après que Corbett l’eut installé confortablement, il lui transmit son message :
— Le shérif regrettait de ne pas lui remettre un compte rendu complet, mais cela aurait nécessité plus de temps. Qu’il sache seulement que les hommes du shérif s’étaient rendus au manoir de Cathall et y avaient trouvé le régisseur de Walter de Montfort, Thomas, mort, la gorge tranchée. Son épouse Katherine avait été violée à plusieurs reprises par une bande de hors-la-loi bien connus, menés par un certain Robert Fitzwarren. Les brigands s’étaient apparemment rendus au manoir dans le but de parler à Thomas. Après une violente querelle, ils lui avaient tranché la gorge et ils avaient violenté sa pauvre femme qui en était devenue à moitié folle. Les hommes du shérif avaient pu la calmer suffisamment pour qu’elle leur raconte une histoire des plus invraisemblables. Fitzwarren avait attaqué et pillé des convois de voyageurs, marchands et commerçants sur les routes allant de Londres en Essex. Le butin de Fitzwarren était remis au doyen de St Paul qui le revendait sur la place de Londres et partageait l’argent avec le chef de la bande. Le jour de la mort de Montfort, à St Paul, son régisseur, venu à Londres réclamer le dû de Fitzwarren, se trouvait dans l’assistance. Mais, en raison du décès de son maître, il n’avait pu mener l’affaire à bien et avait dû retourner, les mains vides, au manoir de Cathall. Là, les bandits, déçus et frustrés, avaient passé leur colère sur son épouse et lui.
« Le shérif a ajouté, poursuivit Enderby d’une voix lasse, que la femme semblait avoir dit vrai malgré son piteux état, car une perquisition avait permis de découvrir des biens dérobés à un marchand des mois auparavant. Le shérif vous souhaite bonne chance en espérant que ces renseignements vous seront utiles.
Corbett fit répéter ce récit à Enderby un certain nombre de fois en vérifiant quelques détails. Puis il appela Ranulf et lui ordonna d’emmener Enderby à l’auberge voisine pour qu’il pût y passer la nuit avant de repartir pour l’Essex. Une fois qu’ils furent sortis, Corbett s’étendit sur son lit, les mains croisées sous la nuque, et réfléchit de nouveau à la disparition du doyen. Jusqu’à présent, il avait concentré son attention sur les chanoines de St Paul, mais en fait d’autres que ceux-là désiraient la mort de Montfort ! C’est ce qu’avait affirmé la courtisane qui, elle aussi, était présente ce jour-là. Thomas, le régisseur, aurait-il trempé dans cet assassinat ? Était-ce lui qui avait tué son maître ? Le roi n’avait-il rien à se reprocher ? Après tout, Édouard haïssait les Montfort et Corbett avait totalement négligé ce fait. D’aucuns n’auraient pas hésité à envoyer Montfort ad patres, s’ils avaient su que le roi l’avait circonvenu. Monseigneur Robert Winchelsea, archevêque de Cantorbéry, était-il homme à reculer devant un meurtre ? Corbett aurait aimé répondre par l’affirmative, mais l’expérience vécue auprès des chanoines de St Paul le poussait à croire que prêtres et évêques étaient aussi capables de commettre un crime que le moindre des laïcs. Et finalement, il y avait les grands barons qui, selon les rumeurs, se réunissaient secrètement et ourdissaient des complots pour tenter de contrecarrer le désir qu’avait Édouard de les emmener guerroyer à l’étranger.
Toutes ces questions se bousculaient sans frein dans l’esprit du clerc jusqu’à ce que, soudain, il retombât sur le souvenir à moitié effacé de l’objet qu’il avait vu sur l’autel. Il lui fallait absolument se concentrer sur ce point de détail qui ne cessait de l’obnubiler, et résoudre ce mystère, s’il voulait que son enquête progresse ! Lorsque Ranulf rentra, Corbett lui demanda donc de se rendre à St Paul, d’y dénicher Sir Philip Plumpton et de le prier, au nom du roi, de retrouver Corbett près du maître-autel à la fin de l’office de none. Puis le clerc adressa au souverain une courte missive dans laquelle il rendait compte de ses actions et reconnaissait n’avoir obtenu que peu de résultats. Il espérait qu’Édouard ne serait pas à Westminster lorsque la lettre arriverait. Cela lui
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