L'Anneau d'Atlantide
nous, on parie sur tout et sur n’importe quoi !
L’instant suivant, Keitoun se matérialisait, un dossier sous le bras :
— Qu’est-ce que vous voulez, vous ? aboya-t-il. Ah… bonjour, colonel, je ne vous avais pas vu. On vous a encore volé votre cheval ?
— Non. C’est le prince Morosini qui souhaite vous parler.
— Ah ! Et qu’est-ce qu’il veut ?
— Étant donné qu’il a pris la peine de venir vous voir, vous devriez le lui demander, non ?
— Si. Alors qu’est-ce que vous voulez ?
Ainsi engagé, le dialogue risquait de tourner à l’aigre. Aldo préféra couper court :
— Rentrer chez moi !
— Pour quoi faire ?
— Mon travail ! Je suis un homme d’affaires, capitaine, et ici je perds mon temps !
— Eh bien, partez !
— Je ne demande que cela… à condition que vous me rendiez mon passeport ! Je n’ai pas l’habitude de voyager en clandestin !
— Pas possible !
— Mais pourquoi ?
— Parce que l’enquête n’est pas terminée !
— Qu’est-ce que j’y peux ? Ce n’est tout de même pas moi qui ai assassiné Ibrahim Bey et ses gens ?
— Vous avez été l’un de ses deux derniers visiteurs.
— Sûrement pas ! Les derniers ont été ses meurtriers… dont je ne faisais pas partie !
— C’est vous qui le dites ! Reste à le prouver !
Le colonel Sargent se lança dans la mêlée :
— Si vous le permettez, il y a encore un témoin ! Le majordome que l’on a conduit à l’hôpital… Tawfiq ? Si je ne me trompe ?
— Vous ne vous trompez pas, mais étant dans le coma, il est difficile de l’interroger. Alors pour l’instant, vous restez là ! Point final !
Et pour bien montrer qu’il n’en dirait pas plus, Keitoun s’assit et plongea ses mains grasses dans les pistaches. Ils l’abandonnèrent à cette tâche absorbante et rejoignirent leurs chevaux :
— Incroyable ! soupira le colonel. On dirait qu’il vous en veut personnellement ?
— Vous ne me croirez peut-être pas, mais c’est l’effet que je produis sur les policiers que le hasard me fait rencontrer… Je dois avoir un faciès de repris de justice !
— Cela ne m’a pas frappé ! En attendant, si l’on se mêlait de cette enquête ? proposa-t-il, la mine gourmande. Je propose de commencer par l’hôpital !
Ce que l’on fit séance tenante, sans obtenir de résultat : oui, le grand Nubien restait sans connaissance et, non, on ne pouvait pas le voir : un garde veillait jour et nuit à sa porte. C’était l’impasse et il fallait l’aimable optimisme du colonel pour y résister.
— N’importe comment, observa Aldo, il n’aurait peut-être pas pu nous en apprendre davantage s’il ne parle que l’arabe ?
— Oui, mais moi je parle sept langues… dont l’arabe et le pachtou. Avant Peshawar et les Gurkas où j’ai fait un bon bout de ma carrière, j’ai été en poste à Aden. Ne désespérez pas ! le consola-t-il en lui assenant une bourrade vigoureuse. On finira par en sortir.
« Oui, mais quand ? pensa Aldo. Et dans quel état ? »
Les trois jours qui suivirent furent pénibles pour Aldo : il les passa à ronger son frein, tournant en rond entre les balades à cheval avec le colonel dont le bel optimisme semblait baisser à vue d’œil en ce qui concernait « l’enquête » qui l’émoustillait tant le jour des funérailles, d’autres à pied ou en bateau avec Tante Amélie qui visiblement se tourmentait pour lui. Quant à Marie-Angéline, elle profitait de sa présence pour s’esquiver et dessiner à tour de bras dans de mystérieux endroits. Laissant entendre qu’elle n’avait nulle envie d’être accompagnée, sinon par le jeune Hakim. Aucune nouvelle ne parvenait de la maison des Palmes, ce qui rendait Aldo enragé. Il brûlait de s’y rendre et d’y pénétrer – par la force, au besoin ! – pour administrer à Adalbert la correction capable de lui extraire du cerveau jusqu’au souvenir de cette Salima maudite. Il en voulait en outre à Henri Lassalle de le laisser ainsi dans l’ignorance. Il n’était jusqu’au sublime paysage qui ne perdît progressivement de son charme.
Seul îlot, en dehors de Sargent, dans cet océan d’ennui : par Tante Amélie, il avait fait la connaissance d’une des pensionnaires du Cataract, une Anglaise d’une quarantaine d’années, grande et
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