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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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même la vue du fleuve. Les accès à ses rives formaient autant d’égouts pour les eaux et pour les immondices de la ville.
    Nicolas poussa de Holborn à l’avenue du Strand jusqu’à Saint-Paul et à la Bourse. Dans la plus belle partie, Nicolas constata que la voie était couverte en son milieu d’une boue liquide et infecte dont les éclaboussements couvraient les piétons de la tête aux pieds, remplissaient la caisse des carrosses dont les glaces n’étaient pas levées et enduisaient la façade des maisons qui s’y trouvaient exposées. Ilse fit arrêter, ayant compris que pour se garantir de la saleté et des embarras de la rue, les chalands fréquentaient de préférence entre le Strand et Holborn des cours liées entre elles par des passages où s’échelonnaient les plus jolies boutiques. La quantité de piétons, le choix et la disposition des étalages en faisaient des lieux privilégiés de promenade. Les boutiques étonnèrent Nicolas par leur aspect monumental. Toutes fermées de grandes glaces et ornées au dehors d’éléments antiques, elles offraient un coup d’œil incomparable. Il revint par la Tour et, ayant franchi le fleuve par le pont de Londres, regagna Westminster par Southwark.
    Quand il rejoignit son logis, l’hôtesse lui remit un pli fermé du sceau de l’Amirauté. C’était une réponse de lord Aschbury dont la rapidité le frappa, le priant à souper à son club, le soir même. Il refusa l’offre d’un dîner et sortit marcher dans les rues. Il parut à Nicolas que les Anglais qu’il croisait pouvaient être répartis en deux catégories, celle des honnêtes gens prodigues en politesse, attentions et prévenances, qui consolait de celle d’une canaille insolente de crocheteurs, de matelots, de porteurs de chaise et de journaliers, sans foi ni loi. Il suffisait de passer à leur portée avec un air et un costume français pour recevoir une litanie d’injures dont la plus aimable était «  French dog  ». La guerre avait laissé des traces et cela d’autant plus qu’elle s’achevait par une défaite et la perte des colonies américaines. Nicolas jugea bon de ne pas trop prolonger cette expérience ; il n’aurait plus manqué qu’il s’attirât quelque affaire et compromît ainsi l’objet de sa mission. Il retourna au logis et se reposa en lisant, exercice qui fut interrompu par le thé et qui leconduisit au moment où un fiacre réservé vint le chercher pour le mener à son rendez-vous.
     
    Le club était situé près de Whitehall, non loin des bureaux des lords de l’Amirauté. Nicolas fut introduit dans un palais, somptueux à ce qu’il lui sembla. Il traversa des salons immenses, où dans de confortables fauteuils de cuir devisaient en silence de vieux gentilshommes. Le valet, sans un mot, ouvrit une porte d’acajou dans le plein d’une bibliothèque et le fit entrer dans un petit cabinet octogonal tapissé de papier aux motifs pompéiens. Lord Aschbury l’attendait assis à une petite table ronde. Il se dressa avec peine pour accueillir Nicolas.
    — Qui dois-je saluer, Nicolas Le Floch ou le marquis de Ranreuil ?
    — Les deux, milord. Et moi, à qui dois-je rendre son salut ? À lord Aschbury, à Francis Sefton ou à M. Calley ?
    Toutes ces appellations avaient été utilisées par l’honorable seigneurie lors de ses redoutables incursions en France.
    — Aux trois, mon bon ami, aux trois ! dit Aschbury en éclatant de rire. Prenez place et, pour commencer, goûtez-moi ce sherry amontillado . Il vient directement de Puerto de Santa Maria en Andalousie
    Il saisit une carafe de cristal emplie d’un liquide ambré et servit Nicolas. La dégustation autorisa un moment de silence qui permit au commissaire d’examiner sa tête. Le chef des services anglais avait beaucoup vieilli. Maigri, les joues creusées, le bidon fondu, et les cheveux blancs de plus en plus rares autour d’un crâne chauve. Il tentait pourtant avecune espèce d’énergie désespérée de donner le change.
    — Vous voici diplomate !
    — Je l’avoue, je n’ai rien à vous cacher. Je reconnais bien là l’excellence de vos services.
    — Allons, comme de coutume, vous avez tout à me dissimuler. Mais peu importe. Je suis sensible à votre visite. J’en salue l’intention, tout en m’interrogeant sur les raisons qui l’inspirent.
    — Milord, la paix est sur le point d’être signée, le temps des réconciliations est venu.
    Aschbury fit une grimace et

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