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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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descendirent dans le canot après avoir pris congé d’Emmanuel de Rivoux. Bientôt la fine silhouette de la corvette s’effaça dans la brume du couchant. Le rivage rocheux approcha et ils débarquèrent sur une petite plage de galets. Dans les hauts, sur un chemin de terre, un équipage les attendait.

    De relais en relais, le parcours fut rapide, coupé de longues conversations, de sommes prolongés et de festins campagnards pour lesquels Semacgus ne s’en laissait pas conter. Ils gagnèrent Caen par Valognes, Isigny et Bretteville puis Évreux, où ils couchèrent. Ils joignirent Nanterre le lendemain et touchèrent la rue Montmartre peu avant onze heures du soir. La maisonnée, aussitôt éveillée par le bruit de l’équipage, accueillit les deux voyageurs fatigués et affamés. Catherine s’affaira pour leur préparer un solide médianoche. Puis Semacgus embrassa Nicolas et repartit vers Vaugirard. Noblecourt était impatient d’entendre le récit de Nicolas, mais il fut vivement morigéné par Catherine soutenue par Marion qui, à son grand déplaisir, poussèrent Nicolas vers son appartement tant il leur était apparu hâve et épuisé. Elles s’appuyèrent, ce faisant, sur les recommandations du docteur Semacgus qui préconisait un repos immédiat.
     
    Enfin seul, Nicolas dut encore subir les extravagantes tendresses de Mouchette qui se multiplia en facéties ronronnantes. Il y avait là un mystère. D’habitude au retour de ses absences, elle lui marquait son déplaisir en le boudant quelque temps. Avait-elle senti pour le coup qu’elle avait failli le perdre ? Allongé, le corps moulu, Nicolas considérait le plafond où dansaient des ombres animées par la lueur de la chandelle que l’air, entrant par la fenêtre ouverte, faisait mouvoir. Il était épuisé, l’esprit vide, et pourtant continuait à dévider d’invraisemblables images. Il essaya de concentrer sa réflexion sur quelques points précis. Il doutait que Semacgus lui eût dit toute la vérité. Au-delàdu récit de façade de son vieil ami, il en pressentait les vides, des points obscurs, des questions sans réponses. Ce qu’il y avait de plus assuré dans son aventure, c’était par extraordinaire le souvenir du cauchemar qui l’avait agité et dont les sombres méandres le poursuivaient en indicibles sensations. Il soupira. Il n’éluciderait pas ce fatras ce soir. Le repos s’imposait. À la clarté du jour suivant, peut-être que ces nuées oppressantes se dissiperaient, il voulait le croire. Il se leva pour se dévêtir. À son habitude il vida les poches de son habit, en retira sa montre et découvrit un petit mouchoir de linon brodé de dentelle qui ne lui appartenait pas. Intrigué, il le porta à son visage et le respira. Il reconnut aussitôt le parfum dont il était imprégné. Il n’avait donc pas rêvé. Des lèvres s’étaient posées sur les siennes, il en avait la preuve. Il pressait le petit carré de tissu sur sa bouche et un visage s’imposait. Antoinette ! Antoinette qui sans doute l’avait vu inconscient et qui avait trouvé ce moyen de marquer cette brève rencontre. À cette pensée, Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil, commissaire aux Affaires extraordinaires, se mit silencieusement à pleurer.

    Mercredi 30 juillet 1783
    Sa nuit fut peuplée de cauchemars. Il étouffa à plusieurs reprises. Au réveil, il s’aperçut que ses mains étaient blessées, ses doigts meurtris comme s’il s’était débattu et avait frappé la muraille. Il vérifia, mais ne découvrit aucune trace qui lui aurait permis d’expliquer ces blessures. Lui revint cette impression d’avoir été enfermé. Il se leva et, aprèsune rapide toilette, s’habilla et descendit à l’office où il trouva Semacgus devisant avec Catherine devant une montagne de brioches entourant un superbe kouglof alsacien tout piqueté d’amandes et blanchi de neige de sucre.
    — Ma foi, remarqua le chirurgien de marine. Point encore remis. Bien pâle et bien défait.
    Qu’est devenu ce teint dont la couleur fleurie
    Semblait d’ortolans seuls et de bisques nourrie ?
    Sa bonne humeur dérida Nicolas, qui se jeta sur une tasse de chocolat et engloutit d’affilée trois tranches du gâteau. Catherine, qui nettoyait son potager, se mit soudain à marmonner :
    —  Kleid aus, kleid an, essen, trinken, schlafen gan ist die Arbeit so die Herren han !
    — Que dit-elle, demanda Nicolas à Semacgus qu’il savait parler allemand et

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