L'année du volcan
comprendre l’alsacien de la cuisinière.
— En gros elle vilipende les hommes, car, dit-elle, « se déshabiller, s’habiller, manger, boire et dormir, voilà tout le travail des chevaliers ».
— Si c’était aussi simple ! Guillaume, vous m’avez tout dit hier ?
Le chirurgien le regarda un long moment dans les yeux.
— Non, Nicolas. Il était trop tôt et votre état…
— Ne méritait pas qu’on me dissimulât la vérité.
— Allons, ne vous emportez pas… C’était pour votre bien.
Nicolas lui tendit ses mains et du regard indiqua les plaies encore ouvertes sur les phalanges.
— C’est cela qui m’a intrigué et un rêve qui revenait.
— Je vous connais Nicolas. Vous ne supportez pas l’enfermement. Il n’était pas prévu que vous fussiez assommé ! Nous avons été obligés de vous mettre dans un… une boîte pour vous transporter jusqu’à la côte. C’était le seul moyen d’éviter un contrôle qui nous aurait forcés d’en découdre avec les Anglais et de déclencher un incident diplomatique lequel, dans les conditions actuelles des relations entre nos deux pays, pouvait avoir de terribles conséquences.
— Ainsi, pour parler net, vous m’avez placé dans un cercueil ? dit Nicolas en frémissant rétrospectivement. Et c’est là…
— Qu’inconscient vous vous êtes débattu et blessé les mains.
— Et Antoinette ?
— Comment Antoinette ? Que voulez-vous dire ? murmura Semacgus surpris et indécis.
— Allons, je vous en prie, mon vieil ami, cessons ce jeu.
Il lui tendit le mouchoir.
— Voilà ce que j’ai trouvé dans ma poche. Croyez-vous que j’ai oublié son parfum ?
Semacgus se mit à rire.
— Bon. La coquine nous a trompés.
— Alors, que s’est-il passé ?
— C’est une idée de Sartine. En fait une sorte de récompense pour tout ce qu’elle a fait pour nos intérêts depuis des années. Elle rêvait de vous revoir. Il a accédé à sa demande. Ce fut un bref instant. Elle vous a embrassé…
— Je le savais. Décidément, vous ne m’aviez pas assez endormi pour que j’en oublie certains événements. Était-ce pour que je ne lui parle pas ? De quoi Sartine avait-il peur ?
— Il craignait par trop la sensibilité de votre cœur. Tout fut organisé à la perfection en prenant les précautions les plus extraordinaires pour ne la point compromettre. Elle n’a pu résister à vous laisser un signe qu’elle savait que vous reconnaîtriez.
— Êtes-vous assuré qu’elle n’était pas suivie ? Imaginez que lord Aschbury apprenne cette équipée. Déjà que ma disparition et l’échec des filatures de son service ont dû lui mettre la puce à l’oreille.
— Nous pensons qu’il comprendra que l’affaire est uniquement française… Même si nous nous sommes livrés en territoire anglais à quelques actes criminels justifiés par la raison d’État.
— Et vous le bon esprit, le philosophe, guidé par la raison, vous vous êtes prêté à cette mascarade ?
— Mesurez votre injustice ! C’est par amitié pour vous et pour sauver l’honneur et la carrière de Louis que j’ai accepté d’y participer. Je n’y ai pas pris de plaisir. Mais parfois la nécessité…
Nicolas se jeta dans les bras de Semacgus.
— Pardonnez-moi, Guillaume, je suis injuste et méchant.
Nicolas monta saluer Noblecourt dont les coups de canne véhéments signalaient l’impatience. Il n’eut pas le temps de lui en conter beaucoup car Poitevin apparut, essoufflé. Nicolas était attendu avec le docteur Semacgus à l’hôtel de police. Le vieux magistrat, qui était pendu aux lèvres du commissaire, trépigna de frustration et lui rappela qu’un grand souper était prévu le soir même pour fêter son retour. La chose venait d’être improvisée et il espérait que Semacgus, Bourdeau, La Borde et Aimée d’Arranet pourraient y assister.
Chez Le Noir, il semblait que la scène se répétât. Nicolas et Semacgus y trouvèrent le lieutenant général de police, Sartine et M. de Vergennes qui prit aussitôt la parole.
— Il nous plaît, monsieur le marquis, de vous retrouver sain et sauf. Nous remercions le docteur Semacgus et tous ceux…
Il eut un regard appuyé vers Sartine dont le visage ne laissait apparaître aucune émotion.
— … qui ont permis le succès de cette périlleuse opération. Nous devons prier le marquis de Ranreuil de nous pardonner de lui avoir celé, je dirais le revers de la
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