L'année du volcan
d’amitié, il le voulait croire – avec le comte de Fersen.
Comme une obsession, la question de la voiture mystérieuse lui tournait dans la tête. Il ne se souvenait pas du moment, mais un détail de l’enquête l’avait frappé. Quand était-ce donc ? Il ne parvenait pas, dans un ramas d’images diverses, à déceler celle qui lui apporterait un début de lumières sur cette question. Il était assuré que dès qu’il la retrouverait, il ferait un grand pas dans la compréhension de ce point capital. Il se devait de l’oublier un temps. Elle continuerait à mûrir pour reparaître au moment opportun. Il avait maintes fois expérimenté cette manière de faire. C’était dans l’oubli que le souvenir resurgirait ; il en avait la certitude.
Restait l’entretien avec le roi. L’éternelle question allait se poser de connaître ce que le monarque savait. Nicolas, fidèle serviteur, ne goûtait guère d’avoir à lui dissimuler quoi que ce soit. Cependant les présomptions sur le rôle de la reine, cette capacité bien à elle de mêler la vérité et le mensonge, cela, il lui était impossible de le présenter au roi et à l’époux.
L’étiquette même sous les combles prévalait et il se garda de prendre la parole attendant que Louis XVI s’adresse à lui. Ce dernier ôta ses besicles, essuya sur un morceau d’étoupe la plume avec laquelle il écrivait, la posa, s’éclaircit la voix et soupira.
— Il fait bien chaud et lourd. Le gibier recherche le frais et les trous d’eau.
— Votre Majesté a-t-elle fait bonne chasse ?
— Médiocre, Ranreuil, médiocre. Que pensez-vous du temps ?
— Il est étrange. Un mien ami a reçu une lettre d’un de ses correspondants islandais qui rend l’éruption d’un volcan sur son île responsable des intempéries que nous subissons.
Le roi eut un mouvement vif de jeune homme.
— Ah ! Que j’aimerais la lire et en parler avec votre ami !
— Sire, je vous l’adresserai et, quand il vous plaira, le docteur Semacgus, chirurgien de marine, aura l’honneur de vous être présenté.
— Je lis beaucoup de mémoires sur ces orages et ces brouillards, certains mortifères !
— J’ai pu moi-même le constater.
— Ah ! Semacgus, le nom est curieux. C’est bien cet homme indispensable que Sartine m’a recommandé pour un certain déplacement à Londres ?
Ainsi le roi était au courant. Et l’objet de l’entretien s’en trouvait dès lors éclairci. Mais comme d’habitude la chose se déroula par rebonds.
— J’ai lu dans le Journal de Paris les observations effectuées en Bourgogne sur les orages et les hypothèses sur les tremblements que la terre a subis récemment. Qu’avez-vous admiré au British Museum ?
Il connaissait donc dans le détail sa mission à Londres.
— Sire, le plus intéressant selon moi, ce sont les objets rapportés par le capitaine Cook de ses expéditions. Voilà des collections qui rappellent celles de M. de Bougainville et les complètent.
— A-t-on éteint le feu à Londres ?
Nicolas resta silencieux, interdit. Le roi faisait-il allusion à la destruction de l’imprimerie ?
— Je veux dire, n’y a-t-il plus de risque de voir se répandre certaines rumeurs… ?
— Celles-ci, non, mais, Sire, l’œuvre n’est jamais achevée !
— Hélas ! Sachez que j’ai appris ce que vous aviez risqué à mon service…
Il détourna la tête et tortura un ressort placé devant lui. Il ne laissait jamais l’émotion le dominer et il fallait savoir lire dans ses réticences même ce qu’il souhaitait vous exprimer. Nicolas avait souvent éprouvé cette caractéristique de son tempérament.
— Et Trabard ?
— Nous approchons de la conclusion même si elle demeure encore éloignée.
Le roi se leva. Dieu, qu’il était grand, surtout lorsqu’il redressait sa taille comme c’était le cas.
— Les dettes de la reine ont été réglées. Cependant, j’avouerai que de cette affaire…
Il hésita et Nicolas décida de lui faciliter les choses.
— Il n’en transpire nulle rumeur.
— Voilà, Ranreuil, ce que je voulais dire.
Autant dire, songea Nicolas, que la personne et le rôle de la reine devaient être totalement ignorés et effacés.
Le souverain semblait soulagé. Il tendit à Nicolas deux plis ouverts.
— Voici pour vous. Une lettre de votre ami Pigneau, désormais évêque in partibus d’Adran, et une autre d’une personne qui vous conseille de
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