L'année du volcan
superficiel du cadavre de Bezard, vint présenter aucommissaire le résultat de ses premières observations.
— Il s’agit, dit-il, de déterminer les signes qui peuvent faire distinguer si les blessures relevées sont le résultat d’un suicide ou d’un meurtre. Ce que Bourdeau m’a rapporté milite évidemment pour la thèse d’un assassinat. Encore faut-il que mes constatations la confirment.
— Et donc ? dit Nicolas impatient.
— J’ai d’abord recherché si le corps présentait des signes de violence. La victime peut en effet se débattre pour éviter la menace et la lutte éventuelle qui a pu précéder le coup mortel peut être décelée par des meurtrissures sur différentes parties du corps. Je les ai donc recherchées.
— Les avez-vous trouvées à la parfin ?
— Tout dépendait de la nature et de la profondeur de la plaie mortelle. Une profondeur en effet peut faire soupçonner l’homicide plutôt que le suicide, surtout si on ajoute à cela la situation et la direction de la plaie.
Bourdeau riait sous cape du caractère précis et compendieux des explications du bourreau et remarquait que Nicolas se mordillait l’intérieur de la bouche, signe chez lui d’une exaspération croissante que seules son amitié pour le praticien et sa courtoisie empêchaient d’exploser.
— J’ai observé, poursuivit Sanson imperturbable, qu’une mèche de cheveux avait été arrachée, preuve s’il en fut qu’une lutte était intervenue ou que l’on avait maintenu la tête de la victime pour mieux assurer le coup. J’ai, évidemment, comme c’est l’obligation dans ce type de question, comparé la forme de la plaie à l’instrument que vous avez ramasséprès du corps dans son cachot de la Bastille. J’en déduis ceci.
Sanson alla se placer derrière Bourdeau debout, lui tira la tête en arrière par la perruque faisant office de cheveux car l’objet de l’expérience n’avait plus guère de chevelure, et mima l’égorgement du côté gauche au côté droit
— Or j’ai sondé la plaie. La piqûre initiale est profonde et dirigée vers la gauche du cou de la victime. Il y a donc eu piqûre et ensuite la lame a tranché le col. J’en conclus donc sans conteste possible que votre victime a bien été assassinée par égorgement.
Nicolas soupira.
— Voilà une certitude qui complète heureusement mes premières constatations. Il n’y a plus de doute. Une question : l’assassin a-t-il été souillé du sang de sa victime ?
— C’est peu probable, placé comme il était, sauf peut-être sur les mains et les manches de sa vêture.
— Merci, mon cher ami, de votre aide toujours si précieuse. Que ferions-nous sans votre science ?
— L’homme de cour dispense son eau bénite, marmonna Bourdeau goguenard.
Nicolas fit ensuite appeler Rabouine et lui intima de se rendre avec deux exempts à l’église Saint-Sulpice et d’en ramener le vicaire, frère du vicomte de Trabard. Il précisa qu’il ne s’agissait pas d’une arrestation mais d’une convocation pour témoignage et qu’il convenait de procéder avec tact et discrétion, compte tenu du caractère sacré du personnage. Bourdeau interrogea le commissaire du résultat de son entretien à l’hôtel de police. Nicolas n’hésita qu’un instant à lui révéler la vérité et qu’une nouvelle fois la raison d’État, d’ailleurs justifiée par des arguments raisonnables, entraverait le cours normalde la justice. La réaction de l’inspecteur le surprit. Loin de s’indigner, il estimait que les justifications de cette attitude données par M. d’Ormesson retentissaient avec l’accent de la vérité. Le contrôleur général des finances bénéficiait de son indulgence et de son respect, tant les attaques dont il était l’objet, leur nature et la qualité de ceux qui les proféraient, le rehaussaient et l’élevaient sur le pavois de la rigueur et de l’intégrité. Nicolas lui en fut reconnaissant et en ressentit, s’il était possible, davantage encore d’estime pour son ami et adjoint.
— M. d’Ormesson n’a pas caché qu’il pensait sa présence provisoire et qu’il n’escomptait guère se maintenir en place très longtemps.
— Son départ sera une nouvelle marche descendue vers le gouffre, dit Bourdeau, à la fois sombre et convaincu.
Nicolas rédigea deux lettres adressées à l’ancien ministre et au lieutenant général de police afin de les inviter le lendemain à dix
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