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L'année du volcan

L'année du volcan

Titel: L'année du volcan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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que l’apparence d’un carrosse de cour.
    Il observa que nul mouvement de surprise n’agitait la ligne des prévenus à cette curieuse assertion.
    — Mais revenons aux témoignages de ceux qui comparaissent à cette heure devant vous.
    Il s’approcha de la vicomtesse de Trabard.
    — Madame, comme tous ceux qui vous entourent, vous n’avez cessé de mentir et de gazer la vérité.
    — Monsieur, vous m’outragez !
    — Madame, c’est la justice du roi et la vérité que vous bravez sans vergogne. Vous avez prétendu avoir lu toute la nuit un livre de Lesage. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler que vous prétendez prendre chaque soir des gouttes de la liqueur d’Hoffmann, ce qui me paraît incompatible avec la lecture, mais passons. Un roman de Lesage a donc occupé, m’avez-vous affirmé, une partie de votre nuit. Oh !Une simple question : comment s’appelle l’oncle d’Estevanille, le héros du roman ?
    — Je ne prête pas attention aux noms, monsieur.
    — Soit, madame. Alors de quelle ville le héros est-il originaire ? Considérez que je vous interroge sur des informations que l’on peut trouver dans les dix premières pages de cet ouvrage.
    Elle ne répondit pas.
    — De Murcie, madame. Et Gonzalez Estevanille est le neveu de Damien Carnicero, le plus fameux chirurgien de cette cité. Et j’ajouterai, pour faire bonne mesure, que, dans ce boudoir où vous avez l’audace de soutenir que vous avez lu une bonne partie de la nuit, vos chandelles étaient intactes. Madame, vous n’avez pas passé la nuit dans votre appartement.
    — Je ne répondrai pas à vos injures.
    — Il n’y a pas injure, madame, à soutenir que vous avez passé la nuit ou une partie de la nuit chez votre amant, Decroix, maître-palefrenier de ce domaine.
    — Monsieur ! Vous m’insultez !
    Elle regarda Sartine et Le Noir.
    — Messeigneurs, j’en appelle à votre justice.
    — Madame, répondit Le Noir, à vous-même de la respecter en donnant votre sentiment sur ce qu’affirme son représentant. Êtes-vous, oui ou non, la maîtresse de Decroix ici présent ?
    — Certainement pas !
    — Madame, madame, vous vous enferrez ! Croyez-vous que nous n’ayons pas le nez assez sensible pour sentir et repérer la fragrance de l’ Eau de la reine de Hongrie , dont vous usez et abusez au point que la couche de votre palefrenier en est tout imprégnée ? Et comment peut-on croire…
    Il ouvrit son carnet noir et le feuilleta.
    — … qu’une femme aussi raffinée puisse avoir les pieds sales comme si elle avait couru sur une pelouse toute humide de la rosée du matin ?
    — Madame, qu’en dites-vous ? reprit Le Noir.
    — Ces injures sont des contes sans rimes ni raison. Et c’est la seconde fois que vous m’accusez d’adultère.
    — Madame, dit Nicolas, vous êtes suspecte. Mariée à un homme dont le peu d’intérêt pour vous était une insulte quotidienne à votre beauté, vous avez en outre été ruinée. Si tout avait continué, vous risquiez de vous retrouver dans quelque couvent de province qui vous aurait accueillie par charité. Oui, en vérité, madame, vous aviez quelques raisons de souhaiter la mort de votre époux. Et le moindre de vos crimes, pour le moment, c’est d’avoir trouvé dans les bras de Decroix l’affection qui vous était due et que votre beauté méritait. Je ne conclus pas.
    Il reprit son souffle, consulta une nouvelle fois son carnet, et se tourna vers Decroix. Mais il fut pris de vitesse par le maître-palefrenier.
    — Je m’inscris en faux contre tout ce qui vient d’être affirmé par le commissaire Le Floch. Je n’ai pas manqué tout au long de son enquête à lui apporter mon concours en lui signalant divers faits et situations. C’est moi en particulier qui ai attiré son attention sur les mensonges et tromperies de Diego Burgos.
    — Nous allons voir cela dans le détail. Et d’abord, revenons sur vos occupations le soir du 13 juillet 1783. Nous en avons déjà discuté. De prime, vous nous avancez une promenade sur les boulevards. Soit ! Nous découvrons que cette promenade étaiten fait une descente galante chez la Bourdeille où vous avez vos habitudes avec une fille de la maison.
    — N’ai-je pas répondu et éclairci cette affaire sur laquelle je ne vois pas l’intérêt de revenir ? Il n’est plus temps.
    — Vous ne voyez pas ? Vous avez arrangé les choses. Il n’est plus temps de dire la vérité ? Croyez-vous ?

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