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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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gorgée de citronnelle, dona de Galvão insista sur le fait que la vie brillante de Goan’était pas réprouvée par les prêtres. Ils la jugeaient dangereuse mais propre à procurer aux âmes fortes des satisfactions spirituelles d’une extrême intensité. Quant aux indulgences méritées par les voyageurs, elles étaient à la hauteur des risques et de la dureté du voyage. Margarida lui dédia, les yeux mi-clos, un sourire câlin.
    — Ma Zenóbia que j’adore, je comprends avec plaisir que, si j’acceptais de me rendre à l’impérieuse demande d’Alvaro, comme tu m’y encourages, tu me suivrais sans hésitation puisque tu me vantes les Indes avec un tel enthousiasme. Tu sais bien qu’il me faudrait de toute façon être accompagnée d’un chaperon.
    Dona de Galvão, qui n’avait pas songé à cette conséquence, en resta muette. Les Portugaises de pure souche demeurant beaucoup plus longtemps désirables en Inde qu’en métropole, Margarida jugea pertinent de faire valoir l’hypothèse d’un remariage, qui fut repoussée d’un haut-le-corps. Réorientant ses arguments, la jeune femme proposa plutôt à sa tante un voyage expiatoire vers ces champs d’honneur lointains où, comme Leonardo de Galvão son époux à peine entrevu, des jeunes hommes fougueux avaient construit l’empire lusitanien. Radoucie, tante Zenóbia suggéra qu’elles examinent l’une et l’autre cette folie à tête reposée.

    Après une semaine de réflexion, le mardi 10 juillet au début de l’après-midi, d’accord avec sa tante, Margarida de Fonseca Serrão prit la décision de partir pour Goa.

À ce moment au Pollet, François interrogea Guillaume comme il s’était mis à le faire chaque jour sur l’exploration des Indes orientales et des Amériques. Le cartographe s’étonnait un peu de la curiosité nouvelle de son assistant.
    — Nous n’avons pas été des découvreurs et nous ne serions pas non plus assez entreprenants pour aller faire commerce aux Indes ? Ango n’était-il pas un brillant armateur au long cours ? Et le voyage de la Dauphine  ?
    — Ah ! La Dauphine . La nef est partie de chez nous en effet. Avec Jean de Verrazane. Un Lyonnais de famille florentine. Au nord de la Floride espagnole, il a découvert une baie où débouchait un fleuve bordant une presqu’île. Ce n’était pas un site particulièrement remarquable mais il était plaisant malgré des giboulées d’avril. Les Indiens Algonquins l’appelaient Mannahatta, Manhattan ou un nom comme ça. Verrazane l’a baptisée la Nouvelle Angoulême en l’honneur de François I er . Il avait reconnu tout autour un littoral immense.
    — Et puis ?
    — Et puis rien. Le roi a renoncé à la Nouvelle Angoulême.
    Guillaume réfléchit pendant quelques secondes en balayant l’Atlantique de la main.
    — Franchies dix lieues depuis le littoral, nos compatriotes sont trop attachés à la glèbe pour penser à la mer.
    — Pas assez pauvres pour aller chercher ailleurs une terre plus fertile ?
    — Pas assez combatifs en tout cas. Les colons partis il y a une quarantaine d’années derrière le capitaine Jean Ribault pour la Floride se sont laissé massacrer à l’épée et au couteau par les Espagnols. Leurs sept navires avaient eux aussi appareillé de Dieppe. D’ici même, ajouta-t-il en désignant l’avant-port à travers la fenêtre.
    — Nous étions en guerre contre l’Espagne ?
    — Non. Ils étaient simplement haïs comme Français. Ils avaient aussi le tort d’être luthériens. C’est drôle finalement. Nous ne sommes pas assez teigneux pour aller disputer quelques arpents de terre ni à des Indiens idolâtres ni à des fous de Dieu. Qu’ils soient catholiques ou protestants, en cuirasse ou en soutane, nous renonçons. Peut-être bien que nous ne sommes pas conçus pour essaimer. Nous sommes bien chez nous.

    Guillaume Levasseur se leva brusquement et alla vers la porte. Planté jambes écartées, il regardait l’avant-port, s’appuyant sur ses deux mains ouvertes de part et d’autre du chambranle. Se retenait-il de bondir ou craignait-il au contraire d’être aspiré au dehors ? se demanda François. Il avait compris depuis longtemps que ni la duplication des cartes par l’imprimerie qui mettait en colère la corporation des hydrographes normands ni le mystérieux Mercator qui excitait leur curiosité n’étaient les principales raisons de la diatribe de son maître. Son obsession était d’étayer

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