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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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batailles car ils n’aiment pas la guerre.

    Médusés, Jean et François restaient silencieux et immobiles pour ne pas rompre le charme, craignant qu’il n’interrompe ces confidences inattendues, un soliloque plutôt qu’un discours à leur intention. Un officier passa la tête dans l’entrebâillement de la porte et fit comprendre par gestes que l’on s’impatientait dans l’antichambre. La dague cogna violemment contre la table.
    — Fichez-moi la paix, enfin !
    Dom André bondit, écarta brutalement l’officier et disparut dans l’embrasure de la porte. Ils l’entendirent admonester l’assistance d’une voix forte :
    — Que ceux qui sont pressés par des tâches utiles s’en aillent. Je saurai les retrouver où qu’ils soient quand j’aurai besoin d’eux. Que les autres attendent puisqu’ils n’ont rien d’autre à faire. J’ai reçu la charge de la sauvegarde et de la prospérité de tous. Je l’assumerai mais laissez-moi tranquille un instant !
    François lança à mi-voix :
    — Je pense que l’on met déjà nos têtes à prix dans l’antichambre.
    Le gouverneur claqua le battant et revint vers eux en frottant ses phalanges. On aurait pensé à s’y méprendre qu’il se préparait à cogner mais peut-être cette impression n’était-elle pas totalement infondée. Il grommela en haussant les épaules.
    — Les oisifs et les quémandeurs doivent assumer pleinement leur destin de parasites.
    Il se rencogna dans sa chaise à bras et se prit le front dans la main. Il semblait avoir oublié leur présence mais il leva les yeux vers eux, sans changer d’attitude.
    — Je crois comprendre, à travers les mises en garde dont j’ai été abreuvé, que vous êtes érudits l’un et l’autre et que vous prétendez être venus à Goa par simple curiosité. Est-ce croyable ? Que fais-tu, toi, quand tu ne contemples pas les portraits des vice-rois la bouche bée ?
    — Je connais la façon de construire les aiguilles marines et de les ranimer. Je vais travailler à cela à l’arsenal.
    Mendonça le coupa d’un geste.
    — Ça, je sais. J’ai donné mon accord à ton embauche dans cet établissement sensible. Je te demande si tu fais profession de pilote ou d’autre chose et ce que tu viens vraiment faire ici.
    — Je suis l’assistant d’un hydrographe de Dieppe, votre seigneurie. La Terre Australe nous interpelle. J’espère trouver à Goa des informations sur elle.
    — Ça signifie que tu sais lire les cartes. Alors fais attention si tu ne veux pas finir au Tronco. Vos compatriotes sont peu nombreux ici, et on s’en méfie depuis les agissements d’un soi-disant comte de Monfart. Il était très entendu sur l’art de faire exploser des mines et beaucoup trop curieux de visiter nos forteresses. On l’a mis au cachot à Ormuz avant de le renvoyer l’an dernier à Lisbonne sous les fers. J’ai appris aux Reis Magos que deux autres Français sont ici depuis quelque temps. L’un est arrivé par accident et il ne nous dérange pas.
    — Je pense qu’il s’agit de François Pyrard. Je l’ai rencontré à l’hôpital et je viens de le quitter.
    — C’est bien son nom. L’autre, un jésuite, est apprécié m’a-t-on dit pour son sens pédagogique et ses recherches sur les langues indiennes. Je constate que l’on n’a rien à reprocher aux Français mais ils sont devenus suspects depuis que l’on a arrêté l’espèce d’espion d’Ormuz.
    — Les aventuriers sont de toutes nations. Notre roi Henri que je sers n’a aucune curiosité pour vos places. Sinon, il m’aurait confié en secret la mission de les observer et de les décrire.
    — Et il ne t’en a pas chargé ? À la bonne heure ! Si tu étais un espion, tu aurais la courtoisie de m’en avertir bien sûr en offrant tes poignets aux fers.
    Il restait sévère, mais ses yeux pétillèrent quand il fit le geste de tendre ses deux poings fermés. Jean rougit de son ânerie.
    — Je suis stupéfait que vous ayez fait tous les deux ce voyage hasardeux dans le seul but de venir voir vivre notreménagerie. Tous ici cherchent fébrilement la fortune comme des malades. Vous dites avoir débarqué sans argent et ne songer qu’à enrichir vos arts respectifs. Vous êtes sans doute des fous à lier mais moi, je vous crois parce que j’ai besoin d’imaginer qu’il existe des hommes de bien. Sans ambition personnelle autre que leur enrichissement immatériel. Si elle est désintéressée, votre

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