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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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librement parce que votre absence de convoitise me réjouit. Elle me réconforte. Ne commettez pas l’erreur d’en inférer que Goa serait la capitale des libertés de pensée et d’expression. Méfiez-vous des oreilles accueillantes. N’attirez pas trop l’attention de ma police ni surtout du Saint-Office. On vous observe depuis votre débarquement. Ma police m’a rapporté votre existence comme une curiosité à surveiller. J’ai la main sur elle mais rappelez-vous à chaque instant que le Saint-Office a la main tout autant sur moi que sur vous. J’ignore ce que l’archevêque et les inquisiteurs vous préparent, mais soyez certains qu’ils y réfléchissent.

Ils descendirent l’escalier de la forteresse un grand quart d’heure avant midi. Quittant la fraîcheur du palais, la chaleur méridienne les surprit. Traversant à grands pas le campo do Paço, François entraîna Jean vers la rua Direita dont on entendait la rumeur toute proche. Les ventes étaient en cours au Leilão .
    — Ne marche pas si vite. Tu cours.
    — Si tu veux voir, nous devons y aller avant la fermeture du marché.
    — Tu es ici depuis deux semaines. Moi, je les ai vécues dans une salle d’hôpital enfermée sur ses misères. Laisse-moi un peu le temps de m’imprégner du spectacle. Ne me bouscule pas.
    — De quoi te plains-tu ? François Pyrard t’a raconté l’Inde de long en large. Tu viens d’avoir le privilège d’un entretien personnel avec le gouverneur qui t’a expliqué les dessous du pouvoir. Tu ne te débrouilles pas trop mal. Tu pourrais reprendre la mer dès cet après-midi, ta curiosité satisfaite.
    Jean s’immobilisa. Il souleva son chapeau et balaya son front d’un revers de manche.
    — François ! Arrête tes énervements de garçon inculte et mal élevé. Je viens herboriser ici parce qu’un livre m’a révéléune ouverture sur une flore inconnue chez nous. Tu sais très bien que mon enquête n’est pas commencée. J’ai vu des herbacées odorantes infuser dans les tisanières de l’hôpital, mais pas la moindre tige d’une graminée.
    — Attends-toi au pire. Tes graminées, tu vas les trouver un peu sèches.
    — Prêtes pour mon herbier.
    — Racornies. Comme les fidalgos qui se morfondent en ce moment dans l’antichambre du gouverneur. La nature est complice.
    — Ne te gausse pas bêtement, François. Ces puissants nous revaudront leur vexation publique.
    — Un incident insignifiant qu’ils ont déjà oublié.
    — Tiens donc !
    — Passé leur mauvaise humeur, ils garderont surtout de cette matinée le souvenir de leur rencontre en tête à tête avec le gouverneur. Cet honneur confirme leur importance. Elle nourrira leur morgue.
    Jean s’éventait de son chapeau tout en observant la place en tournant lentement sur lui-même. Tout absorbé par le spectacle, il répondait machinalement.
    — Nous avons croisé tout à l’heure des personnages importants, issus de grandes familles. Ils ne nous apprécient pas.
    — Ils sont tous occupés à édifier leur fortune. Les amuseurs de la caraque faisaient rire en disant qu’un fonctionnaire malhonnête était un pléonasme.
    — Tu vas un peu vite, François. C’est une caricature.
    — Peut-être mais l’intronisation d’un nouveau gouverneur est favorable aux manigances. Aujourd’hui, les truqueurs de comptes voient avec une divine surprise leur passif apuré d’un coup. Le comte da Feira est mort avant même d’arriver. La restauration du pouvoir qui n’en finit pas conforte leur impunité. Sachant le gouverneur un homme de guerre, ils l’espèrent étranger aux affaires et peu soucieux d’entrer dans les registres.
    Jean acquiesça, interrompant son investigation circulaire.
    — Je suis au moins d’accord avec toi sur ce point. Je les imagine occupés à cet instant à faire valoir leur expérience pour mieux le dissuader d’y mettre le nez.
    — Leur mécompte sera gravissime. Le discours que vient de nous tenir dom André annonce une main de fer.
    — Restaurer les valeurs humaines n’est pas en son pouvoir mais aura-t-il au moins le temps de remettre en ordre la fonction publique ?

    La place du palais était circonscrite par un courant de fidalgos à pied ou à cheval, tournant dans le même sens en conversant entre eux ou échangeant des civilités. Ce passeio était serein et de bonne compagnie. Le centre de l’agora était empli par une foule d’une inconsistance ordinaire. Dans ce mitan

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