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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Bellec
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ébranlé par les fidalgos autoproclamés, qui se sont hissés par ruse au-dessus de leur condition. Votre bonne société complice serait entraînée dans leur chute s’ils s’effondraient par malheur, se résorbant dans le paquet de cartes originel, dans la population grossière et anonyme dont ils sont issus.
    — Vous savez ça aussi ?
    — Je regarde et j’écoute. Voyez-vous, le peuple est inébranlable, sans faire d’efforts pour résister, parce qu’il ne peut descendre plus bas. Comme la caste des curumbins dans les quartiers indiens. Si vous saviez comme notre état vulgaire est reposant.
    Elle ne répondit pas, décontenancée par son ton qu’elle croyait agressif. En réalité, François n’était pas en colère, seulement agacé qu’elle pût le croire vexé. Il fut sur le pointde lui demander si elle avait déjà fréquenté des Indiens, des gens du peuple hors de chez elle, plus loin que les femmes et les esclaves qui la servaient tous les jours. Si elle connaissait de Goa autre chose que son entourage immédiat. Il se tint coi, ne voulant pas risquer de crever maladroitement la bulle de leur rencontre qui s’échauffait sans raison.

    Elle lui révéla en mimant de la main un aparté confidentiel qu’Elvira et Maria Emilia avaient de leur côté fait l’objet d’avances poussées assez loin. Pour ces deux quadragénaires, c’était inespéré. Si le futur époux de Jeronima, dans la force virile de l’âge, faisait se pâmer les Goanaises, elles avaient l’une et l’autre, au même âge que lui ou à peu près, atteint l’âge canonique à partir duquel une servante était réputée ne plus être dangereuse pour un ecclésiastique. Ils convinrent que l’Église semblait bien imprudente de confier à des femmes d’expérience le soin de faire le lit de ses prêtres.
    Il faillit alors lui parler de la bague mais il préféra attendre une meilleure occasion pour lui faire la surprise de sa trouvaille. Lui appartenait-elle ? La probabilité était d’une chance sur six. De toute façon, il la lui remettrait car elle était la mieux placée pour la restituer à sa propriétaire. À moins bien sûr qu’elle ait été perdue par tante Zenóbia ou par la malheureuse Custodia.

    En échange de ces échos de vie mondaine, il était un peu gêné de lui parler de ses aiguilles marines mais elle parut s’y intéresser sincèrement. Elle lui dit même qu’elle aurait plaisir à voir comment il s’y prenait. Bien sûr, cela semblait utopique, à moins d’une envie improbable de dom Alvaro de venir constater lui-même son travail. Et de la permission inimaginable de l’accompagner dans sa visite.
    — Pourquoi pas ? J’œuvre au profit de ses galéasses après tout et de votre côté vous savez maintenant assez de choses sur la navigation des caraques pour justifier votre curiosité.
    — C’est vrai. Vous m’y avez fait prendre intérêt. Les connaissances que je vous dois ne me servent d’ailleurs pas beaucoup dans le courant de mes relations mondaines. – Ellerit. – Mon mari s’étonne de ma passion pour l’art des pilotes. Il l’estime absurde voire inconvenante pour une dame de la société et il ne tardera pas à la trouver plutôt suspecte. En tout cas, le hasard qui nous rapproche en ce lieu est étonnant.
    Il hésita sur la réponse et prit le temps de bien la préparer. Elle relança la coïncidence.
    — Non ?
    — Oui et non. Que les instruments nautiques et la résidence de l’intendant de la Ribeira das Galés soient dans le même voisinage n’a rien de très miraculeux. Et si la demeure de dom Alvaro de Fonseca Serrão est proche de mon atelier, son épouse a toutes les chances de ne pas être très loin non plus. Ce n’est pas une coïncidence mais une simple logique de bonne intendance.
    Sa repartie déclencha sur l’autre balcon un rire en chapelet qui lui donna la chair de poule, comme le jour béni des dauphins.
    Un grain creva sur la Ribeira, faisant tomber quelques instants plus tard des lames d’eau des bords des toits. Elle lui fit un signe léger et s’envola vers son intérieur sans ajouter un mot. Elle avait pris une assurance nouvelle et François sut d’instinct qu’ils se verraient désormais régulièrement, que dom Alvaro le veuille ou non. Ce serait donc à lui de rester sur ses gardes car il mesurait les risques auxquels il allait s’exposer.
    Margarida, Asha. Simultanément aimantes et aimées à des degrés divers. Un amour

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