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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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fenêtre.
    « Ça va se dissiper tout de suite. Fumez une cigarette en attendant. »
    Dans la salle de bain, il ouvrit le robinet. Il aperçut son visage dans la glace. C’est ainsi qu’il s’était regardé quelques heures auparavant. Entretemps, un être humain était mort. Qu’importait ? Des milliers de gens meurent à chaque minute ; les statistiques l’établissent. Non, ça n’avait aucune importance… Mais pour celui qui mourait c’était plus important que le reste du monde, qui poursuivait sa course indifférente.
    Il s’assit sur le bord de la baignoire et retira ses chaussures. L’éternelle répétition. Les objets et leur contrainte muette. La trivialité, l’habitude dans le fol entraînement du monde. Le rivage florissant du cœur au bord du fleuve de l’amour. Oui, que l’on fût poète, demi-dieu ou crétin, il fallait à intervalles réguliers descendre de ses nuées célestes pour uriner. Nul n’y échappait. L’ironie de la nature ! L’arc-en-ciel romantique tendu au-dessus des réflexes glandulaires et des remous digestifs. Les organes mêmes de l’extase, diaboliquement voués aux fonctions les plus ignobles ! Ravic lança ses chaussures dans un coin. La détestable habitude de se dévêtir. On n’y échappait pas non plus. Il fallait vivre seul pour comprendre ça. On s’y remettait avec une espèce d’odieuse résignation. Bien souvent il s’était couché tout vêtu ; mais ce n’avait été que partie remise. Impossible de se soustraire à la règle !
    Il tourna le robinet de la douche. Pendant plusieurs minutes il laissa l’eau froide gicler sur sa peau. Il respira profondément, avant de se sécher. Les petites consolations de l’existence. L’eau, l’air, la pluie du soir. Cela aussi, il fallait vivre seul pour le comprendre. L’épiderme reconnaissant, le sang qui circule plus librement dans les sombres canaux. S’étendre l’été dans une prairie, à l’ombre des bouleaux. Contempler les nuages, le ciel de l’enfance… Revivre les illusions du cœur que les sombres aventures de l’existence ont brisées…
    Il rentra dans la chambre. Il trouva la femme recroquevillée dans un coin du canapé, la couverture remontée jusqu’au menton.
    « Vous avez froid ? »
    Elle secoua négativement la tête.
    « Peur ? »
    Elle fit signe que oui.
    « De moi ?
    –  Non.
    –  Du dehors ?
    –  Oui. »
    Ravic referma la fenêtre.
    « Merci », fit-elle.
    Il contempla sa nuque, ses épaules. Quelque chose qui respirait. Une parcelle de vie étrangère… mais de vie… tout de même. De la chaleur, au lieu d’un corps qui se raidit dans la mort. Que pouvait-on se donner mutuellement, sinon un peu de chaleur.
    La femme se tourna vers Ravic. Elle tressaillit. Il sentait soudain le flot se retirer. Une espèce de fraîcheur le pénétrait. C’était comme s’il rentrait d’une nuit passée sur une autre planète. Tout redevenait simple… le matin… la femme… il n’était plus nécessaire de penser.
    « Viens », dit-il.
    Elle le regarda fixement.
    « Viens », répéta Ravic avec impatience.

 
CHAPITRE III
     
     
     
    R AVIC se réveilla avec l’impression d’une présence étrangère dans la chambre. La femme déjà tout habillée était assise sur le canapé, le visage tourné vers la fenêtre. Il s’étonnait de la trouver encore là. Le matin, il n’aimait pas la compagnie de ses semblables.
    S’il essayait de se rendormir ? Mais cela l’agaçait de se sentir observé. Il décida de se débarrasser d’elle tout de suite. Si c’était de l’argent qu’elle voulait, ce serait simple. Il se leva.
    « Vous êtes debout depuis longtemps ? »
    La femme sursauta.
    « Je ne pouvais plus dormir. Je suis désolée de vous avoir réveillé.
    –  Mais non, vous ne m’avez pas réveillé.
    –  Je voulais m’en aller… Je ne sais pas ce qui m’a retenue.
    –  Attendez, je serai prêt dans une minute. Nous déjeunerons ensemble. Le fameux café de l’hôtel dont je vous parlais hier, vous savez ? »
    Il sonna et entra dans la salle de bain. Elle y avait passé avant lui, mais tout était en ordre parfait. Même les serviettes qu’elle avait utilisées étaient soigneusement repliées. Tandis qu’il se rinçait les dents, il entendit la femme de chambre apporter le déjeuner. Il se hâta.
    « Ça vous a gênée ? demanda-t-il en rentrant.
    –  Quoi ?
    –  D’être vue par cette fille ? J’avoue que je

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