L'arc de triomphe
brillaient comme ceux d’une chatte. « Tout Paris en parle ! Vous doutiez-vous que Louis était homosexuel ? Sûrement pas ? Personne n’en savait rien ! Il le cachait admirablement bien. Lina de Newburg était considérée officiellement comme sa maîtresse… Eh bien, imaginez ce qui arrive : il revient de Rome à l’improviste il y a une semaine, et le même soir il décide d’aller surprendre Nicky chez lui. Il arrive… et devinez qui il y trouve !
– Sa femme », dit Ravic.
La femme aux émeraudes eut l’air aussi consternée que si on venait de lui apprendre la banqueroute de son mari.
« Comment, vous connaissiez déjà l’histoire ?
– Non, mais c’est la conclusion logique.
– Je ne comprends pas, dit-elle avec un peu d’irritation. C’était pourtant très improbable.
– Exactement.
– Le docteur Ravic a une théorie, Daisy, dit Kate Hegstrœm en souriant, une théorie qui s’appelle le système des probabilités. Pour lui ce qui est le moins probable est toujours ce qui doit logiquement se produire.
– C’est passionnant, dit Daisy, d’un ton poli. Ça n’aurait mené à rien, ajouta-t-elle, reprise par son histoire, si Louis n’avait pas fait une scène terrible. Il était tout simplement hors de lui. Il est au Crillon maintenant et il veut divorcer. L’un et l’autre cherchent des preuves. Et voilà ! Qu’est-ce que vous en dites ? »
Kate Hegstrœm jeta un rapide coup d’œil du côté de Ravic. Il examinait une branche d’orchidées qui se trouvait sur la table, entre un carton de chapeaux et un panier contenant des raisins et des pêches.
« C’est incroyable, Daisy, dit-elle. C’est tout simplement incroyable !
– Vous n’auriez sûrement pas deviné ça, dit Daisy à Ravic avec une expression de triomphe.
– Non, je n’aurais sûrement pas deviné ça. »
Daisy avec un sourire satisfait prit son sac, son poudrier et ses gants.
« Il faut que je me sauve. Je suis horriblement en retard. Louise donne un cocktail. Son ministre doit venir. Il y a des tas de rumeurs qui circulent. » Elle se leva. « Oh ! à propos, Marthe et Ferdy sont de nouveau séparés. Elle lui a renvoyé tous ses bijoux. Ça fait la troisième fois. Et ça l’impressionne encore. Quel imbécile ! Il se figure qu’elle l’aime pour lui-même ! Naturellement il lui rendra le tout avec un nouveau bijou. Comme toujours. Il n’en sait rien, mais elle a déjà choisi chez Ostertag ce qu’elle veut avoir. C’est toujours là qu’il achète. Une broche de rubis. Des cœurs de pigeons gros comme ça, ma chère ! Elle n’est pas si bête, celle-là ! » Elle se pencha pour embrasser Kate. « Au revoir, mon chou. Au moins te voilà un peu plus au courant. J’espère que tu seras bientôt hors d’ici.
– Pas tout de suite, dit Ravic, en voyant le regard de Kate fixé sur lui. Je le regrette. »
Il aida Daisy à mettre son manteau. Un vison sombre, sans col. « Un manteau pour Jeanne », pensa-t-il, en regardant Daisy, mince, jolie, exquise, avec son petit nez et ses attaches fines, admirablement mise et sans une parcelle de sex-appeal.
« Venez prendre le thé chez moi avec Kate, dit-elle. Il n’y a que très peu de gens le mercredi. Nous pourrons causer sans être dérangés. Les opérations me passionnent.
– Avec plaisir ! »
Il referma la porte sur elle et revint.
« Des émeraudes splendides », dit-il.
Kate se mit à rire.
« Voilà ce qu’était ma vie, avant, Ravic. Pouvez-vous comprendre ça ?
– Bien sûr. Pourquoi pas ? C’est merveilleux quand on peut se le permettre. Ça vous protège de tant de choses.
– Eh bien, moi, je ne le comprends plus. »
Elle se leva et marcha avec précaution jusqu’à son lit.
« Peu importe où l’on vit, Kate, dit Ravic en souriant. Il y a des endroits plus confortables que d’autres ; mais la seule chose importante, c’est-ce qu’on fait de sa vie. »
Elle étendit ses jambes longues et fines entre les draps.
« Plus rien ne paraît important quand on vient de passer plusieurs semaines au lit, et qu’on peut de nouveau marcher. »
Ravic alluma une cigarette.
« Il n’est plus nécessaire que vous demeuriez ici. Vous pouvez prendre une infirmière et retourner au Lancaster. »
Elle secoua négativement la tête.
« Non. Je préfère demeurer ici jusqu’à ce que je sois en état de voyager. J’y ai au moins un minimum de protection contre
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