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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: E.M. Remarque
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les Daisy !
    –  Il faut les mettre à la porte. Rien n’est plus épuisant que les potins. »
    Elle s’étendit avec précaution.
    « Eh bien, croiriez-vous qu’avec tous ses papotages, Daisy est une excellente mère. Elle élève à merveille ses deux enfants.
    –  Tout arrive », dit-il sans paraître impressionné.
    Kate tira les couvertures sur elle.
    « Une clinique est un peu comme un couvent. On y apprend à estimer à leur valeur les choses les plus simples : marcher, respirer, voir.
    –  Oui, le bonheur est partout autour de nous. Il n’y a qu’à se pencher et à le ramasser.
    –  Je parlais sérieusement, dit Kate.
    –  Moi aussi, je parle sérieusement. Il n’y a que les choses simples qui ne nous déçoivent jamais. Quand il s’agit de bonheur, on ne peut jamais commencer assez simplement. »
    Jeannot était étendu sur son lit, entouré d’un monceau de brochures de toutes sortes.
    « Pourquoi n’allumes-tu pas ? demanda Ravic.
    –  J’y vois suffisamment. J’ai de bons yeux. »
    Les brochures contenaient des descriptions de jambes artificielles. Jeannot les avait fait venir de partout. Sa mère venait de lui en apporter d’autres. Il tendit à Ravic un dépliant magnifiquement colorié. Ravic alluma la lampe.
    « C’est-celle qui coûte le plus cher, dit Jeannot.
    –  Ce n’est pas la meilleure, dit Ravic.
     – Non, mais c’est la plus chère et je vais expliquer à la compagnie d’assurances que c’est-celle-là qu’il me faut. Ce que je veux c’est qu’on m’en donne le prix. J’aime mieux av oir simplement un pilon de bois et garder l’argent.
    –  La compagnie d’assurances a ses propres médecins qui surveillent ces choses-là, Jeannot.
    –  Vous croyez qu’ils refuseront de me donner une jambe ?
    –  Mais non. Ils ne te donneront peut-être pas la plus chère, mais ils refuseront sûrement de te donner de l’argent. Ils exigeront qu’on te donne une jambe.
    –  Alors, il faudra que j’aille tout de suite la revendre. Naturellement, on ne me donnera pas le prix entier. On m’enlèvera au moins vingt pour cent. J’essaierai d’obtenir le plus possible. Qu’est-ce que ça peut faire à la compagnie, que j’aie une jambe ou non ? Du moment qu’ils doivent payer quand même ?
    –  Tu verras bien.
    –  C’est important. Avec l’argent, on pourrait acheter un comptoir et toute l’installation pour une petite crémerie. »
    Jeannot eut un sourire malin.
    « Heureusement qu’une jambe artificielle coûte très cher. Je suis content.
    –  Les gens de l’assurance sont-ils déjà venus ?
    –  Pas pour la jambe et l’indemnité. Seulement pour l’hôpital et l’opération. Croyez-vous qu’il nous faudra un avocat ? La lumière était rouge, j’en suis sûr. La police… »
    L’infirmière entra avec le dîner. Elle le posa sur la table près du lit. Quand elle fut sortie, Jeannot dit :
    « On donne beaucoup à manger ici. Je n’en ai jamais tant eu. C’est trop pour moi. Maman mange toujours ce qui reste quand elle vient. Il y en a assez pour nous deux, et elle économise de l’argent. La chambre coûte déjà assez cher.
    –  C’est la compagnie d’assurances qui paie. »
    La figure du petit bonhomme s’illumina.
    « J’ai parlé au docteur Veber. Il va me donner dix pour cent. Il enverra un compte à la compagnie d’assurances et il me donnera dix pour cent comptant.
    –  Tu es débrouillard, Jeannot.
    –  Il faut être débrouillard quand on est pauvre.
    –  Tu as raison. Ta jambe te fait-elle toujours mal ?
    –  Non, seulement le pied, un peu.
    –  Ce sont les nerfs qui causent cela.
    –  Je sais. C’est tout de même drôle d’avoir mal à un membre qui n’existe plus. C’est peut-être l’âme de ma jambe qui est restée. »
    Il sourit de sa plaisanterie. Puis il se prépara à manger.
    « De la soupe, du poulet, des légumes, du blanc-manger. Le poulet ce sera pour maman.
    Elle aime ça, et on n’en avait pas souvent à la maison. »
    Il s’appuya sur l’oreiller.
    « Des fois je m’éveille la nuit et je m’imagine que c’est nous qui devrons payer pour tout ça. Puis je me rappelle que je suis ici comme le fils d’un homme riche, et que j’ai le droit de demander tout ce qu’il me faut, que je peux sonner l’infirmière, qu’elle doit venir, et que d’autres doivent payer pour tout ça. N’est-ce pas merveilleux ?
    –  Oui, dit Ravic.

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