L'archer démoniaque
magistrat tira sa dague.
— Le corps a été traîné ici, commença-t-il. L’assassin a agi rapidement. Le cadavre a été dépouillé et enterré en hâte.
Le magistrat regarda vers la gauche et désigna un épais buisson d’ajoncs qui poussait le long du talus.
— Le meurtrier souhaitait s’éloigner le plus vite possible. Il s’est dépêché de mettre les habits dans un sac.
Corbett se dirigea vers l’autre côté de la fosse fraîchement ouverte.
— Puis il a traversé le sentier et s’est enfui dans la forêt.
Il s’accroupit et fouilla de sa dague parmi les ronces et les feuilles.
— Espérons qu’il a laissé tomber quelque chose.
Les deux hommes ne l’aidèrent pas. Le magistrat continua ses recherches, usant de son poignard pour gratter la terre et les herbes solidement enracinées dans le terreau. Il divisa avec méticulosité le sol en petits carrés, allant du fond du talus au rebord. De temps à autre il regardait frère Cosmas et Odo. Ils s’étaient écartés et chuchotaient. Corbett fut sur le point de requérir leur assistance, mais il décida qu’il serait plus sûr qu’ils restent à quelque distance. Il ignorait aussi ce qu’ils feraient s’ils trouvaient quelque chose d’inattendu.
Il était à mi-chemin du talus quand il découvrit deux petits anneaux de tissu, à présent tachés d’herbe et de boue, mais taillés dans une riche étoffe. Chacun portait un fil doré en son milieu et faisait plus d’un pouce de circonférence ; la couture en était fine et soignée. Il les glissa dans son escarcelle et reprit sa quête, mais ne trouva rien de plus.
Quand Corbett grimpa sur le sentier, il sortit les deux bouts de tissu et les examina avec soin ; c’était deux minuscules ouvrages de prix.
— Avez-vous trouvé quelque chose, Messire ?
Frère Cosmas et son ami s’avancèrent.
— Je crois que oui, dit le magistrat en tendant la main. Mais je ne sais ce que cela signifie.
Il remit les objets dans son escarcelle.
— J’ai une dernière faveur à vous demander.
— Je dois retourner à mon église ! annonça frère Cosmas. D’autres devoirs m’attendent, Messire, mis à part celui qui consiste à être l’hôte d’un clerc royal et à faire le fossier !
Corbett fouilla dans sa bourse pour y prendre une pièce, mais le prêtre secoua la tête.
— Gardez votre argent, Messire. Que voulez-vous ?
— Menez-moi simplement à St Hawisia. Je dois parler à Lady Madeleine.
Quelques instants plus tard le frère Cosmas, toujours maussade et silencieux, laissa le magistrat à la porte principale du prieuré et s’éloigna sans un adieu. Corbett le regarda partir avec Odo. Il avait l’impression que ses soupçons étaient, peut-être, injustes, mais, par ailleurs, ils l’avaient trompé. Ils demeuraient tous les deux à Ashdown et avaient sans nul doute, tous les deux, eu des raisons et les moyens d’abattre Lord Henry. Il soupira et tira sur la corde de la cloche. La petite porte de la poterne s’ouvrit et une soeur Veronica exaspérée l’introduisit dans la cour.
— Je savais que c’était vous ! dit-elle d’une voix grinçante. J’ai regardé à travers la grille et vous ai vu arriver avec ces beaux compères !
— Ma soeur, pour l’amour du Christ, n’avez-vous donc point de charité ?
— Plus que vous, Messire. Mais la manière et le moment où je la dispense ne concernent que moi !
Ils traversèrent la roseraie pour gagner les bâtiments du prieuré.
— Je voudrais voir Lady Madeleine.
— Je sais bien ce n’est pas moi que vous êtes venu voir ! Vous irez l’attendre, comme les autres, dans l’hostellerie.
Corbett la tira par la manche. La soeur s’arrêta et lui jeta un coup d’oeil interrogateur.
— Qu’y a-t-il, Messire ?
— Pourquoi ne pas me conduire chez la prieure ?
— Lady Madeleine a une demeure privée, expliqua soeur Veronica avec application comme si son interlocuteur était simple d’esprit. Elle a une demeure privée, avec jardin, écuries et cuisine, répéta-t-elle. Aucun homme n’est autorisé à y pénétrer.
— Je ne l’oublierai pas.
— Que voulez-vous dire ?
— Rien. Mais, ma soeur, encore une question. Vous souvenez-vous du corps de la jeune femme abandonné devant la poterne ?
— Bien sûr ! J’ai entendu sonner la cloche. J’ai ouvert la porte et l’ai vu là.
— Nu ?
— Oh, non ! Enveloppé dans une couverture ou un manteau gris ; je ne
Weitere Kostenlose Bücher