L'archer démoniaque
secret comment il pourrait expliquer à Lady Maeve la brutale et soudaine attaque qu’avait subie son maître.
— Cela n’aurait pris qu’un instant, quelques minutes.
Corbett tressaillit en s’humectant de nouveau le visage.
— Ne parle pas à Lady Maeve de ce qui est arrivé.
Le jeune homme leva la main.
— Oh, ça, Messire, je vous le promets !
— Bon.
Corbett avala quelques bouchées du civet de lapin qu’un valet de cuisine avait monté et savoura un peu de bière contenue dans une outre en cuir verni.
— Résumons-nous, Ranulf, que savons-nous ?
— D’abord, que Lord Henry a été abattu d’une flèche dans le coeur. Le coupable pourrait être son frère, le Hibou dont nous savons que c’est l’ermite Odo, frère Cosmas, Robert Verlian et, oui, Messire, même Alicia.
Corbett sourit en voyant un doux éclat dans les yeux de son compagnon.
— Nous pourrions y ajouter, continua ce dernier, Jocasta ou un assassin gagé par l’une des personnes que nous avons citées. Sans oublier le seigneur de Craon.
— Ni Lady Madeleine, ajouta le magistrat.
— Je ne crois pas que ce soit possible.
— Elle aurait pu quitter son couvent, fit remarquer Corbett. Aller à l’un des chênes creux, y prendre arc et flèche et tuer son frère.
— Mais pourquoi ? questionna Ranulf. Quels griefs avait-elle contre son frère ? Mort ou vivant, il ne comptait pas pour elle. Et les autres morts ? De plus je n’imagine pas Lady Madeleine chevauchant dans la forêt, tirant une flèche et se précipitant derrière les murs du prieuré. Elle aurait été parfaitement reconnaissable dans sa robe de nonne. D’ailleurs...
Corbett baissa son outre de bière. Ranulf eut un sourire de triomphe.
— Tous les bons archers se servent de leur main droite. Vous le savez bien. Un archer gaucher est toujours maladroit. Vous souvenez-vous du pauvre Maltote ? Il ne pouvait toucher un arc sans se blesser. Et, au prieuré, j’ai remarqué que Lady Madeleine était gauchère à sa façon de tenir sa plume.
Le magistrat acquiesça.
— Que savons-nous encore, Ranulf ?
— Il y a le meurtre de cette jeune femme, tuée d’une flèche dans la gorge. Si votre conclusion est juste, elle se rendait à Ashdown déguisée en homme, ce qui explique qu’on ait déshabillé le corps. Les vêtements se trouvent sans doute au fond d’un marais. Avez-vous trouvé quelque chose ?
Corbett sortit les deux morceaux de tissu de son escarcelle.
— Ceci. Ce sont des anneaux d’étoffe tressée.
Il les tendit à Ranulf qui, les manipulant tous deux comme si c’était des pièces d’argent, s’approcha de la fenêtre pour voir plus clair.
— Ce sont de petits liens ! s’exclama Ranulf. Pour la coiffure. Lady Maeve en a de semblables et s’en sert pour tresser ses cheveux dans la nuque. Elle y glisse les cheveux pour que la natte reste serrée.
— Mais le cadavre avait des cheveux courts, réfléchit le magistrat. Coupés ras comme ceux d’un homme. Je me demande qui c’était. Il faut que je parle à notre tavernier. Continue, Ranulf.
— Le mire italien, Pancius Cantrone. Lui aussi a été abattu d’une flèche dans la gorge. Il venait de St Hawisia. Nous savons qu’il y a certains rapports entre lui, Lord Henry et Amaury de Craon.
— Oui, c’est vrai. Cantrone a pu vendre ou confier à Lord Henry un grand secret dont les Français ont peur. Il peut avoir été tué par des bandits ou par l’un des hommes de Craon pour le faire taire une fois pour toutes. Mais nous ne pouvons interroger Craon. Il se réfugiera derrière le statut diplomatique et protestera avec force auprès de Westminster. En fin de compte, Ranulf, nous avons trois meurtres. Sont-ils indépendants ou non les uns des autres ? Y a-t-il un assassin, deux ou même trois ? Le meurtre de Lord Henry est facile à expliquer. Tout le monde le détestait. Mais quant à Cantrone et à la jeune femme inconnue, le mystère reste entier.
— Croyez-vous Odo, l’ermite ?
— Oui et non. Lui et Cosmas sont comme l’eau qui dort. D’un côté, ils sont prêtres, a priori hommes de bien. Et pourtant, tous les deux, surtout Odo, nourrissent le plus profond ressentiment contre les Fitzalan.
Il s’interrompit quand on frappa à l’huis et que Baldock entra en traînant les pieds.
— Tu dois toujours attendre que Sir Hugh t’autorise à entrer ! lui dit Ranulf.
Baldock eut un grand sourire et avança pesamment.
Corbett
Weitere Kostenlose Bücher