L'archer du Roi
fait ce qui reliait les terres et Durham. Peut-être
l’archer s’était-il rendu là-bas pour retrouver certains actes notariés ?
Ou une cession faite par un duc précédent ? Sans doute était-ce pour
quelque embrouillamini de notaire, et cela n’avait pas d’importance. Ce qui
était important, c’était que l’archer se préparait à aller capturer un garçon
qui pouvait apporter un soutien politique au roi d’Angleterre.
L’Épouvantail avait fait travailler sa cervelle pour trouver
le moyen de tirer profit de l’enfant. Pendant quelque temps, il avait joué avec
l’idée folle d’enlever le morveux et de l’emmener lui-même à Calais, mais
ensuite, sa cervelle lui avait soufflé que le profit serait garanti de façon
plus sûre s’il se contentait simplement de trahir l’archer. Là était la raison
de sa visite à Belas. Ce dernier avait beau faire pour lui prouver le
contraire, il était intéressé. Mais la farce n’avait que trop duré et il était
temps de lui forcer la main.
Sir Geoffrey se leva en tirant sur son gilet trempé de
pluie.
— Tout ça ne vous intéresse pas, monsieur le
notaire ? Fort bien. Vous connaissez vos affaires mieux que moi, mais moi,
je sais combien d’hommes se rendront à Roncelet et je sais qui est à leur tête
et je peux vous dire quand ils partiront.
La plume ne bougeait plus et quelques gouttes d’encre
vinrent souiller le parchemin, mais Belas ne le remarqua pas, trop attentif à
boire les paroles de son interlocuteur.
— Sûr qu’ils ne disent pas à maître Totesham ce qu’il mijotent,
poursuivait celui-ci, au motif qu’officiellement, il les désapprouverait ;
vrai ou faux, ça, je ne peux point vous le dire. Toujours est-il qu’il croit
qu’ils s’apprêtent à aller brûler des fermes ici et là près de Rostrenen.
Peut-être vont-ils le faire et peut-être pas, mais quoi qu’ils disent et quoi
que croie maître Tostesham, moi, je sais qu’ils vont à Roncelet.
— Comment le savez-vous ? demanda Belas, très
tranquillement.
— Je le sais !
Belas posa sa plume.
— Asseyez-vous, dit-il, et dites-moi ce que vous
voulez.
— Deux choses, répondit l’Épouvantail en s’exécutant.
Je suis venu dans cette maudite ville pour me remplir les poches, mais notre
butin est maigre, monsieur le notaire, notre butin est maigre.
Très maigre, en effet, car les troupes anglaises dévastaient
la Bretagne depuis des mois, et on ne trouvait pas de ferme à moins d’une
journée de cheval qui n’eût été brûlée et pillée, et pousser plus loin, c’était
prendre le risque de rencontrer des patrouilles ennemies fortement armées. Derrière
les murs de ses forteresses, la Bretagne était une terre sauvage pleine
d’embûches, de périls et en ruine. L’Épouvantail n’avait pas été long à
découvrir que ce n’était pas dans ce décor qu’il ferait fortune.
— Ainsi, vous remplir les poches est votre premier
motif, répliqua aigrement Belas, et le deuxième ?
— Un refuge.
— Un refuge ?
— Quand Charles de Blois prendra la ville, je veux me
trouver dans votre cour.
— Je ne comprends pas pourquoi, répondit sèchement
Belas, mais bien sûr, vous êtes le bienvenu. Et en ce qui concerne votre
rétribution… (Il se lécha les lèvres.) Voyons d’abord si vos renseignements
sont bons.
— Et s’ils sont bons ?
Belas réfléchit un moment.
— Soixante-dix écus ? proposa-t-il.
Quatre-vingts ? proposa-t-il.
— Soixante-dix écus ?
L’Épouvantail fit mentalement la conversion en livres, puis
cracha par terre.
— Dix livres, pas plus ? Non ! Je veux cent
livres et je les veux en pièces anglaises.
Ils se mirent d’accord sur soixante livres anglaises, à
payer lorsque Belas aurait la preuve que sir Geoffrey lui dirait la vérité, à
savoir que Thomas de Hookton était à la tête d’une expédition pour Roncelet qui
partirait la veille de la Saint-Valentin, deux semaines plus tard.
— Pourquoi attend-il si longtemps ? s’enquit
Belas.
— Il lui faut encore quelques hommes. Il n’en a qu’une
demi-douzaine et il veut en persuader d’autres à le suivre. Il leur raconte
qu’ils trouveront de l’or à Roncelet.
— Si ce que vous voulez, c’est de l’or, pourquoi ne
partez-vous pas avec eux ? objecta Belas d’un ton acide.
— Parce que j’ai préféré venir vous voir, répondit sir
Geoffrey.
Belas se recula dans son fauteuil et joignit ses longs
doigts
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