L'archer du Roi
et
lui demande de faire allégeance au duc Jean ? La loi ne les empêchera
point de vous couper les couilles, pas vrai ? Une, deux, clic, clac, et
hop, les voilà en train de griller !
— Cette éventualité n’aurait aucune répercussion pour
moi, consentit à objecter Belas d’un ton qu’il prit soin de rendre las.
— Ainsi vous ne causez pas si mal l’anglais, pas
vrai ? ricana sir Geoffrey. Je ne prétends point connaître la loi,
monsieur le notaire, mais moi, je connais les gens. Si la comtesse récupère son
fils, alors elle courra ventre à terre à Calais pour aller voir le roi.
— Ah oui ?
— Il faudra trois mois (le visiteur leva trois doigts),
peut-être quatre, avant que votre Charles de Blois puisse y être. Et à elle, il
lui faudra quatre semaines pour aller à Calais, et encore quatre de plus pour
revenir avec le parchemin du roi, et alors, il faudra compter avec elle. Son
fils a ce que veut avoir le roi, donc le roi lui donnera ce qu’elle veut, et ce
qu’elle veut, c’est vos couilles. Elle les arrachera elle-même avec ses petites
dents blanches et après, elle vous écorchera tout vif, monsieur le notaire, et
la loi n’y pourra rien. Non, pas contre le roi.
Le parchemin que Belas feignait de lire s’enroula avec un
bruit sec. Le notaire regarda son vis-à-vis dans les yeux, puis haussa les
épaules.
— Je doute, sir Geoffrey, que ce que vous décrivez
puisse se produire. Le fils de la comtesse n’est pas ici.
— Mais supposons, monsieur le notaire, supposons
simplement qu’une expédition se prépare à aller enlever ce cher petit étron à
Roncelet ?
Belas réfléchit. Une rumeur courait en effet à propos d’une
telle expédition, mais il avait douté de sa véracité car cette sorte
d’histoires était courante et n’aboutissait à rien. Pourtant, quelque chose
dans le ton de sir Geoffrey l’alerta. Cette fois, il y avait peut-être anguille
sous roche.
— Une expédition, se contenta-t-il de répéter d’une
voix sèche.
— Oui, un groupe d’hommes, confirma l’Épouvantail, qui
prévoit de chevaucher jusqu’à Roncelet et d’attendre le moment où on sortira le
petit amour pour lui faire faire son pipi du matin et de l’attraper. Ensuite,
ils le ramèneront ici et mettront vos couilles dans la poêle à frire.
Belas déroula le parchemin et feignit de le relire.
— Il n’est point surprenant que madame Chénier conspire
pour le retour de son fils, sir Geoffrey, marmonna-t-il. Il faut s’y attendre.
Mais pourquoi venir m’ennuyer avec cela ? Quel mal pourrait-elle me
causer ? (Il trempa sa plume bien taillée dans l’encrier.) Et comment
avez-vous appris l’existence de ce plan ?
— C’est peut-être parce que je pose des questions, et
les bonnes, hein ? fanfaronna l’Épouvantail.
En réalité, la rumeur courait que Thomas prévoyait une
sortie à Rostrenen, mais on disait aussi en ville que Rostrenen avait été
plumée si souvent qu’un moineau n’y trouverait plus sa pitance. Aussi
s’était-il demandé ce que le maudit archer avait vraiment en tête. Il ne
doutait pas qu’il recherchait le trésor, le trésor qui lui avait échappé à
Durham, mais pourquoi à Rostrenen ? Que diable allait-il faire
là-bas ?
L’Épouvantail avait avisé l’un des adjoints de Richard
Totesham à la taverne, lui avait offert quelques cruches de bière et l’avait
questionné sur Rostrenen. L’homme avait secoué la tête et s’était
esclaffé :
« N’allez pas croire à pareille fable !
— Une fable ?
— Ce n’est pas à Rostrenen qu’ils vont, c’est à
Roncelet ! Ma foi, nous n’en sommes pas tout à fait sûrs, mais la comtesse
d’Armorique trempe jusqu’au cou dans cette affaire, donc c’est certainement
Roncelet. Et vous voulez mon avis, sir Geoffrey ? Restez en dehors de tout
ça. On n’appelle pas Roncelet “le guêpier” pour rien. »
Sir Geoffrey, plus perdu que jamais, continua son enquête et
en vint peu à peu à la conclusion que le thésaurus que cherchait Thomas
n’était pas constitué de grosses pièces d’or, ni de sacs de cuir remplis de
bijoux, mais de terres : les États bretons du comte d’Armorique. Si le fils
de Jeannette faisait allégeance au duc Jean, la cause de l’Angleterre en
Bretagne y gagnait. C’était un trésor d’une certaine manière, un trésor
politique, moins satisfaisant que l’or, mais précieux aussi. L’Épouvantail ne
comprenait pas tout à
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