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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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portèrent jusqu’à
la cour du château pour le jeter à l’arrière d’une charrette à fumier vide. Les
portes de la tour s’ouvrirent en grinçant et, sous la garde d’une vingtaine
d’hommes d’armes aux couleurs du seigneur de Roncelet, Thomas quitta le
Guêpier, ébloui par la pâle clarté du soleil.
    Indifférent à ce qui se passait, il gisait sur les planches
sales de la charrette, perclus de douleur, respirant l’odeur pestilentielle du
chargement habituel de la carriole, en proie à un seul désir, celui de mourir.
La fièvre ne l’avait pas quitté et il tremblait de faiblesse.
    — Où m’emmenez-vous ? demanda-t-il d’une voix
étouffée, mais il n’obtint pas de réponse.
    Peut-être n’avait-on pas entendu les paroles qu’il avait
murmurées.
    Il pleuvait. La carriole cahotait en direction du nord. Les
villageois qu’ils croisaient se signaient. Thomas était plongé dans une stupeur
dont il sortait par intermittence. Il se souvint qu’il était en train de
mourir. Sans doute l’emmenait-on au cimetière. Il voulut crier au conducteur
qu’il était toujours vivant, mais ce fut frère Germain qui lui répondit d’un
ton vindicatif qu’il eût été mieux inspiré de lui laisser le livre, à Caen.
« C’est de votre faute », lui dit le vieux moine. Thomas décida qu’il
rêvait.
    La carriole s’arrêta. Il entendit ensuite un son de
trompette et une toile claquer au vent. En levant les yeux, il vit que l’un des
cavaliers agitait une bannière blanche. Thomas se demanda si c’était son
linceul. C’était la coutume. On enveloppait un nouveau-né quand il venait au
monde et on enveloppait un défunt quand il s’était éteint. Cette pensée lui
arracha un sanglot, car il ne voulait pas être enterré. Puis il entendit des
voix anglaises et il sut qu’il rêvait. De fortes mains le soulevèrent,
l’éloignant des restes de fumier. Il voulut crier, mais il était trop faible,
et il se sentit défaillir. Il sombra dans l’inconscience.
    Lorsqu’il revint à lui, il faisait nuit et il était dans une
autre carriole, propre cette fois. Il était emmitouflé dans des couvertures et
reposait sur un matelas de paille. La carriole était munie d’un toit qui
protégeait de la pluie et du soleil.
    — Vous allez m’enterrer ? demanda Thomas.
    — Tu dis des sottises, répondit quelqu’un. C’était la
voix de Robbie.
    — Robbie ?
    — Oui-da, c’est moi.
    — Robbie ?
    — Mon pauvre diable, mon pauvre, pauvre diable, dit Robbie
en lui caressant le front.
    — Où suis-je ?
    — Tu rentres à la maison, dit Robbie. À La
Roche-Derrien.
     
    Il avait été racheté contre rançon. Une semaine après sa
disparition, et deux jours après le retour de l’expédition à La Roche-Derrien,
un messager était venu trouver la garnison, sous une bannière de trêve. Il
était porteur d’une missive de Bernard Taillebourg adressée à sir William
Skeat. « Remettez-nous le livre du père Ralph, disait la missive, et
Thomas de Hookton sera rendu à ses amis. »
    Will Skeat s’était fait traduire le message, mais il
ignorait tout de l’existence d’un tel livre. Aussi se tourna-t-il vers messire
Guillaume qui, de son côté, s’enquit auprès de Robbie, lequel transmit le
message à Jeannette. Le lendemain, une réponse partait à Roncelet.
    Puis il y eut un retard d’une quinzaine de jours, car frère
Germain fut transféré de Caen à Rennes. Cette précaution avait été exigée par
Taillebourg. En effet, le vieux moine ayant vu le livre, pourrait confirmer que
ce que l’on échangeait contre le prisonnier était bien le livre de son père.
    — C’est ainsi que cela s’est fait, dit Robbie.
    Thomas regardait le plafond. Il sentait vaguement que cet
échange était une erreur, même s’il était heureux d’être vivant, chez lui et
parmi ses amis.
    — Pour le bon livre, c’était le bon livre, poursuivit
l’Écossais avec un large sourire, mais avec quelques petites choses de notre
cru. Pour sûr, nous avons tout recopié. Seulement, nous avons rajouté des
âneries pour les tromper. Pour les embrouiller, tu comprends ? Et ce vieux
moine racorni n’a rien remarqué. Il s’est jeté sur le livre comme un chien
affamé se jette sur un os.
    Thomas frémit. Il avait le sentiment qu’on lui avait ôté sa
fierté, sa force et même sa virilité. Il avait été humilié au-delà de tout, réduit
à une chose tremblante, gémissante, agitée de

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