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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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en écho, puis il y eut un nouveau
fracas de toit ou de plancher qui s’effondrait. Des chiens se mirent à hurler à
la mort et une femme à crier.
    — Ils le font délibérément, dit Mordecaï.
    — Naturellement.
    Non seulement les ennemis envoyaient des blocs écraser les
étroites maisons de la ville, mais ils utilisaient parfois leurs trébuchets
pour balancer des cadavres de vaches, de cochons ou de chèvres en
décomposition, afin qu’ils viennent répandre leur pourriture et leur puanteur
dans les rues.
    Mordecaï attendit que la femme eût cessé ses hurlements pour
reprendre.
    — Je ne crois pas aux présages, dit-il. Nous jouons de
malchance en ce moment, ce qui porte les gens à se croire la proie du mauvais
sort, mais qui nous dit que l’ennemi n’est pas, lui aussi, affligé de quelques
malheurs ?
    Thomas ne répondit pas. Des oiseaux se chamaillaient dans le
chaume, sans voir le chat qui avançait sournoisement sous le bord du toit.
    — Quel est votre vœu le plus cher, Thomas ?
interrogea le vieux médecin.
    — Mon vœu le plus cher ?
    Thomas fit la grimace et tendit sa main droite aux doigts
recroquevillés.
    — Qu’ils redeviennent droits.
    — Et moi, c’est de retrouver la jeunesse !
répliqua Mordecaï avec impatience. Vos doigts sont guéris. Ils n’ont pas belle
forme, mais ils sont guéris. Allons, dites-moi quel est votre plus cher désir.
    — Mon vœu le plus cher, c’est de trucider ceux qui ont
tué Eléonore. De ramener son fils à Jeannette. Et ensuite, d’être un archer.
Voilà tout. Un archer.
    Il souhaitait aussi trouver le Graal, mais il n’avait pas
envie de parler de cela avec Mordecaï.
    Ce dernier tira sur sa barbe.
    — Trucider ceux qui ont tué Eléonore ?
réfléchit-il à haute voix. Je pense que vous allez le réaliser. Le fils de Jeannette ?
Peut-être le pourrez-vous aussi, bien que je ne comprenne point pourquoi vous
cherchez à lui plaire. Vous ne voulez pas épouser Jeannette, n’est-ce
pas ?
    — Épouser Jeannette ! s’esclaffa Thomas. Grand
Dieu, non !
    — Parfait.
    — Parfait ?
    Cette fois, Thomas était froissé.
    — J’ai toujours recherché la compagnie des alchimistes,
poursuivit Mordecaï, et je les ai souvent vus mélanger le soufre avec le
vif-argent. Il existe une théorie suivant laquelle tous les métaux sont
composés de ces deux substances, le saviez-vous ? Les proportions varient,
naturellement, mais ce que je veux dire, cher Thomas, c’est que si l’on met du
vif-argent et du soufre dans un même récipient, et qu’on les fait chauffer, le
résultat est souvent calamiteux. (Il mima une explosion avec ses mains.) C’est
ce qui se passerait pour vous et Jeannette. De plus, je ne la vois pas épouser
un archer. Un roi ? Oui. Un duc ? Peut-être. Un comte ?
Certainement. Mais un archer ? (Il secoua la tête.) Il n’y a pas de mal à être
un archer, Thomas. C’est un métier très utile en ce monde si mauvais.
    Il se tut pendant quelques instants, puis reprit.
    — Mon fils apprend la science de la médecine.
    Thomas sourit.
    — Je sens un reproche, dit-il.
    — Un reproche ?
    — Oui, votre fils sera un guérisseur et moi je suis un
tueur.
    Mordecaï secoua la tête.
    — Benjamin apprend à devenir un médecin, mais il
préférerait être soldat. Il voudrait être un tueur.
    — Dans ce cas, pourquoi…
    Thomas s’arrêta, car la réponse était évidente.
    — Les juifs ne peuvent porter les armes, voilà
pourquoi, expliqua Mordecaï. Non, il n’y avait aucun reproche dans mes propos.
Je crois, Thomas, que vous êtes un homme bon, quoique soldat.
    Il se tut et fronça les sourcils, car un nouveau projectile
s’était écrasé dans un bâtiment non loin d’eux, et il se prépara à entendre des
cris se superposer au bruit de tonnerre. Mais rien ne vint.
    — Votre ami Will aussi est bon, poursuivit-il, mais je
crains que ce ne soit plus un archer.
    Thomas opina du chef. Will Skeat était guéri, mais il
n’avait pas retrouvé ses facultés.
    — Parfois, je me dis qu’il aurait mieux valu…
commença-t-il.
    — Qu’il soit mort ? enchaîna le vieux médecin. Ne
souhaitez la mort à personne, Thomas, elle vient bien assez tôt sans qu’on la
souhaite. Sir William rentrera en Angleterre, je n’en doute point, et votre
comte veillera sur lui.
    « Telle est la destinée de tous les vieux soldats, se
dit Thomas. Rentrer à la maison et vivre de la charité de la famille

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