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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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bouclier si haut, si large et
si solide qu’il pouvait protéger les deux guerriers. Les pavois portaient des
malédictions à l’adresse de leurs adversaires, ou des insultes en français et
en anglais, et dans certains cas, car les arbalétriers étaient des Génois, en
italien. Leurs carreaux vinrent s’abattre sur les murs, siffler autour des
têtes des défenseurs et se planter dans les toits de chaume. Parfois, les
Génois tiraient des flèches enflammées. Six escadrons de soldats furent chargés
uniquement d’éteindre les feux qui prenaient dans le chaume et, lorsqu’ils
n’éteignaient pas les flammes, de puiser de l’eau dans la Jaudy pour en arroser
les toits situés près des remparts, s’exposant ainsi aux carreaux des
arbalétriers.
    Les archers anglais ripostaient, mais les arbalétriers
étaient le plus souvent cachés derrière leurs pavois et n’étaient visibles
qu’une fraction de seconde. Certains moururent tout de même, mais les archers
perchés sur les murs périssaient également.
    Jeannette venait souvent rejoindre Thomas sur le rempart
sud, tirant ses traits depuis un créneau, près de la porte. Les arbalètes
pouvaient être actionnées à genoux, ce qui lui permettait de ne pas trop
s’exposer. Thomas, en revanche, était contraint de tirer debout.
    — Tu ne devrais pas être ici, lui disait-il à chaque
fois.
    Mais la jeune femme se contentait de ricaner, puis se
baissait pour rembobiner son arbalète.
    — Te rappelles-tu le premier siège ? lui
demanda-t-elle.
    — Quand tu me tirais dessus ?
    — Espérons que j’ai gagné en adresse, dit-elle.
    Puis elle appuya l’arbalète contre le mur, visa et pressa la
détente. Le carreau alla s’écraser dans un pavois déjà constellé de flèches
anglaises. Derrière les arbalétriers s’étirait le mur de terre du campement le
plus proche, au-dessus duquel apparaissaient les bras inégaux de deux
trébuchets et, plus loin derrière encore, les oriflammes éclatantes de divers
seigneurs. Jeannette reconnut les bannières de Rohan, Laval, Malestroit et
Roncelet. La vue de cette bannière aux couleurs de la guêpe la remplit de
colère et elle pleura en songeant à son fils emprisonné dans la lointaine tour
de Roncelet.
    — J’aimerais qu’ils donnent l’assaut maintenant,
dit-elle entre ses dents, pour que je puisse planter un trait dans le corps de
Roncelet et dans celui de Blois.
    — Ils n’attaqueront pas avant d’avoir défait Dagworth,
prédit Thomas.
    — Tu crois qu’il va venir ?
    — Je crois que c’est pour lui qu’ils sont ici, répondit
l’archer avec un mouvement du menton vers l’ennemi.
    Puis il se leva, arma son arc et envoya une flèche sur un
arbalétrier qui venait de quitter l’abri de son bouclier. L’homme se baissa une
fraction de seconde avant que la flèche de Thomas vienne siffler à ses
oreilles.
    — Charles sait qu’il peut venir nous plumer quand il
voudra, poursuivit le jeune archer, mais ce qu’il veut vraiment, c’est écraser
Dagworth.
    Car dès lors que sir Thomas Dagworth serait écrasé, il n’y
aurait plus d’armée de campagne en Bretagne, les forteresses tomberaient
inévitablement une par une, et Charles aurait son duché.
    Puis, un mois après l’arrivée de Charles, alors que les
haies entourant ses quatre forts se remplissaient de fleurs d’aubépine, que les
pétales s’épanouissaient sur les pommiers, que les bords de la rivière
débordaient d’iris et que les coquelicots étalaient leurs jupes rouge vif dans
le seigle vert tendre, on vit apparaître une traînée de fumée dans le ciel du
sud-ouest.
    Les observateurs perchés sur les murs de La Roche-Derrien
virent des éclaireurs sortir du camp ennemi, et ils surent que la fumée
provenait de quelque feu de camp, ce qui signifiait qu’une armée était en
marche. Certains émirent la crainte que ce ne fussent des renforts pour
l’ennemi, mais ils furent rassurés par d’autres qui affirmèrent à juste titre
que seuls des amis pouvaient approcher par le sud-ouest. Ce que Richard
Totesham et les autres, ceux qui savaient, ne leur révélèrent pas, c’était que
les renforts seraient obligatoirement peu nombreux, beaucoup moins nombreux que
l’armée de Charles, et qu’ils marchaient au-devant du piège que leur tendait Charles.
    Car le stratagème de Charles avait marché, et sir Thomas
Dagworth avait mordu à l’hameçon.
    Charles de Blois convoqua ses seigneurs et commandants

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