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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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trouveraient pris
dans la tourmente ; le port de Saint-Pierre était l’un de leurs derniers
refuges. Mais les marins français le savaient aussi et, par mauvais temps,
leurs bateaux venaient en masse vers l’île pour saisir l’occasion de faire une
prise ou deux.
    — Cela veut-il dire qu’ils nous attendent ?
demanda Thomas.
    Ils laissaient derrière eux l’île de Wight et le bateau
était secoué par les vagues d’une mer grise d’hiver.
    — Pas nous, ce n’est pas nous qu’ils attendent. Ils la
connaissent, l’Ursula, pour sûr, le rassura le capitaine en souriant
d’un affreux sourire sans dents qui fendit son visage défiguré par la petite
vérole, ils la connaissent et ils l’aiment, assurément.
    Cela signifiait sans doute qu’il avait payé leur part aux
hommes de Cherbourg et de Carteret. Cependant, il n’avait pas versé son écot à
Neptune ou à l’esprit qui régnait sur la mer car, bien qu’il prétendît s’y
connaître en vents et en vagues et qu’il affirmât que tous deux resteraient
calmes, l’ Ursula se balançait comme une cloche sonnant à toute volée.
Elle tanguait, se cabrait et piquait du nez dans un vacarme de tonnerre. Le
ciel du soir était gris comme la mort ; puis une pluie de neige fondue se
mit à tomber sur la mer agitée. Le capitaine, accroché à la barre, dit avec son
affreux sourire que ce n’était qu’un petit vent qui n’avait pas de quoi
inquiéter un bon chrétien. Certains membres de son équipage ne semblaient pas partager
son optimisme, car les uns touchèrent le crucifix cloué à l’unique mât et les
autres allèrent s’incliner sur la plage arrière devant une image grossièrement
sculptée dans le bois et entourée de rubans de couleurs vives. Cette sculpture
était censée représenter sainte Ursula, la patronne du bateau. Thomas lui dit
une prière en allant se tapir dans un petit coin sous l’avant du pont où il se
réfugia avec les autres passagers, mais le pont semblait être troué, car un
mélange d’eau de pluie et d’eau de mer passait continuellement à travers. Trois
archers étaient malades et Thomas lui-même, qui avait traversé la Manche par
deux fois auparavant et qui, ayant été élevé dans un village de pêcheurs, avait
passé de nombreuses journées à bord de leurs petites embarcations, ne se
sentait pas bien. En revanche, Robbie, qui n’avait jamais été en mer,
s’intéressait à tous les détails du bord sans paraître éprouver l’ombre d’une
indisposition.
    — C’est parce que ces bateaux sont ronds ; ils
roulent ! expliqua-t-il en criant pour recouvrir le vacarme.
    — Tu t’y connais en bateaux, hein ? persifla
Thomas.
    — Ça coule de source, répliqua l’Écossais.
    Thomas tenta de dormir. Il s’enveloppa dans sa cape trempée,
se roula en boule en restant aussi immobile que le lui permettait le tangage du
bateau et enfin, curieusement, il parvint à s’endormir. Il se réveilla à
maintes reprises durant la nuit en se demandant à chaque fois où il était, et
lorsqu’il recouvrait ses esprits, il doutait que le jour finisse par se lever
ou qu’il parvienne jamais à se réchauffer.
    L’aube arriva enfin, grise et sale, accompagnée d’un froid
mordant qui vous transperçait jusqu’à la moelle des os, mais l’équipage avait
retrouvé son entrain car le vent s’était calmé et la mer était plus clémente.
Les vagues striées d’écume se dressaient et retombaient en s’abattant sur un
groupe de rochers nus où des myriades d’oiseaux marins avaient élu domicile.
C’était la seule terre en vue.
    Le capitaine traversa le pont pour venir rejoindre le jeune
archer.
    — Les Casquets, annonça-t-il en désignant les rochers
d’un signe du menton. Ces vieilles pierres ont fait un bon nombre de veuves.
    Il fit le signe de la croix, cracha par-dessus le plat-bord
pour conjurer le mauvais sort, puis leva la tête vers une trouée claire qui
allait s’élargissant dans les nuages.
    — Nous allons vers le beau temps, dit-il, grâces en
soient rendues à Dieu et à Ursula.
    Puis, avec un regard méfiant vers son jeune compagnon :
    — Dites-moi, qu’est-ce qui vous amène dans les
îles ?
    Thomas songea à inventer quelque prétexte, à invoquer la
famille… puis se ravisa : peut-être la vérité pourrait-elle lui apporter
quelque enseignement intéressant.
    — Nous voulons nous rendre en Normandie.
    — On n’aime point trop les Anglais en Normandie,

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