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L'archer du Roi

L'archer du Roi

Titel: L'archer du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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interrogea le jeune archer.
    — Eh bien, chez nous, précisa le prêtre en rougissant,
les femmes pissent avec les vaches et les hommes avec les chèvres. Je ne
voudrais pas me tromper.
    — C’est pareil ici, le rassura Thomas.
    Le père Pascal se révéla un bon compagnon. Il possédait une
jolie voix dont il fit profiter l’assemblée après le repas pris en commun avec
le verdier et les siens en les régalant de chansons françaises. Ensuite, tandis
que la neige continuait à tomber et que la fumée de l’âtre s’élevait en grosses
volutes vers le toit de chaume, il devisa avec Thomas.
    Il était curé du village d’Evecque. Lorsque le comte de
Coutances avait attaqué, il avait trouvé refuge au château. « Mais je
n’aime pas rester enfermé », dit-il. Aussi avait-il proposé à messire
Guillaume de délivrer son message en Angleterre. Il s’était échappé d’Evecque,
d’abord en jetant sa vêture par-dessus les douves et ensuite en nageant pour la
récupérer.
    — Il faisait froid, raconta-t-il, jamais je n’ai eu
aussi froid ! Je me disais que mieux valait avoir froid que rôtir en
enfer, mais, tout de même, c’était épouvantable.
    — Quelles sont les choses que messire Guillaume attend
de nous ?
    — Il ne l’a pas dit. Peut-être que si les assiégeants
pouvaient être découragés… ?
    Il haussa les épaules.
    — L’hiver n’est pas une bonne période pour un siège, à
mon avis. À l’intérieur d’Evecque, ils sont confortablement installés, au
chaud, ils ont engrangé leur récolte, mais les assiégeants… Les assiégeants
sont mouillés et ils sont au froid. Si vous pouviez augmenter leur inconfort,
qui sait ? Peut-être abandonneraient-ils le siège ?
    — Et vous ? Qu’allez-vous faire ?
    — Je n’ai plus rien à faire à Evecque, répondit le
prêtre. Messire Guillaume a été déclaré félon et ses biens ont été confisqués,
ce qui fait que ses serfs ont été transportés dans les domaines du comte de
Coutances. La plupart de ses gens ont fui devant les assaillants qui les
pillaient et les violaient. Peut-être vais-je me rendre à Paris ? Je ne
peux pas aller trouver l’évêque de Caen.
    — Pourquoi ?
    — Parce qu’il a envoyé des hommes à la rescousse du
comte de Coutances, dit le bon père en secouant tristement la tête. L’évêque a
été appauvri par les Anglais, pendant l’été, aussi a-t-il besoin d’or, de
terres et de biens, et il espère en tirer du fief d’Evecque. La cupidité est la
cause de bien des guerres.
    — Et vous êtes aux côtés de messire Guillaume ?
    Le père Pascal haussa les épaules.
    — C’est un homme de bien. Mais à présent… À présent, il
me faut aller voir à Paris pour demander une promotion. Ou peut-être à Dijon.
J’ai un cousin là-bas.
    Ils poursuivirent leur route vers l’est pendant les deux
jours suivants, chevauchant à travers les bruyères mortes de la New Forest
recouverte d’un doux manteau blanc. La nuit, les petites lumières des villages
de forêt scintillaient dans le froid. Thomas craignait qu’ils n’arrivent trop
tard en Normandie pour venir en aide à messire Guillaume, mais ce doute n’était
pas une raison pour abandonner leurs efforts. Pendant les dernières lieues vers
Southampton, ils durent patauger dans un mélange de neige fondue et de boue.
Thomas se demanda comment ils trouveraient un moyen d’atteindre la Normandie,
province ennemie. Il doutait fort de trouver un bateau, car toute embarcation
anglaise s’approchant de la côte normande était en danger d’être arraisonnée
par des pirates. Certes, les bateaux en partance pour la Bretagne ne
manqueraient pas, mais la route était longue jusqu’à Caen.
    — Il faut passer par les îles, naturellement, affirma
le père Pascal.
    Ils passèrent une nuit dans une taverne et, le lendemain
matin, trouvèrent une place à bord de l’ Ursula , un cotre en partance
pour Guernesey qui transportait des tonneaux de porc salé, des fûts remplis de
clous, des douves de tonneaux, des lingots de fer, des pots emballés dans de la
sciure, des ballots de laine, des gerbes de flèches et trois caisses de cornes
de bétail. Il transportait aussi une douzaine d’archers attendus à la garnison
du château qui gardait le mouillage du port de Saint-Pierre. Que vînt un
mauvais vent d’ouest, selon les dires du capitaine, et des douzaines de bateaux
qui transportaient du vin de Gascogne vers l’Angleterre se

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