L'archipel des hérétiques
peu probable que les survivants du Batavia se soient dotés d'un tel niveau d'organisation. Il n'y avait ni femmes ni
passagers à bord du Zeewijk, et les officiers restèrent sur les îles
avec les autres. Les survivants du Batavia constituaient un groupe plus
disparate, privé de leaders naturels. Si l'on peut s'appuyer sur l'exemple du Zeewijk, il devait être quasi impossible de maintenir bien longtemps une
quelconque discipline, surtout auprès des sous-officiers de marine.
La première révolte dans le camp du Zeewijk se
produisit lorsque les sous-officiers et les simples matelots obtinrent par la
force la distribution de 1,5 aum de vin à chaque homme ; une autre fois,
« toute la canaille, ainsi que leurs sous-officiers » exigèrent que l'on
distribue le vin de manière équitable, à raison d'une aum par tête, et
que l'on partage également cinq fromages d'Edam, six barils de poisson salé et
du tabac. La troisième fois, le premier maître, le canonnier et le second
maître d'équipage sortirent du magasin des barils de pain et de viande de porc,
et distribuèrent douze miches à chacun des sous-officiers. Les officiers
eux-mêmes n'étaient pas à l'abri d'une telle tentation ; un jour, un officier
et plusieurs sous-officiers prirent la grande chaloupe et s'éloignèrent à la
rame, après quoi ils se gobergèrent, burent et fumèrent à bord, sans rien
partager. Enfin, lorsque la chaloupe du Zeewijk partit pour Java, la
composition de son équipage fut tirée au sort, à la demande des hommes. Sofia
Boranga, The Identification of Social Organisation on Gun Island (Mémoire de diplôme de troisième cycle en archéologie, University of Western
Australia, 1998), pp. 6-9, 31-33, 93-104; Hugh Edwards, The Wreck on the
Half-Moon Reef (New York : Charles Scribner's Sons, 1970), pp. 107-108,
110-112, 118-119.
20. L'eau et le vin provenant de l'épave : Journal
de Pelsaert, 17 septembre 1629 [DB 145].
21. La tente contenant les réserves : Les
sources dont nous disposons ne mentionnent pas une telle tente, mais comme
c'était une constante, dans les camps de naufragés, celui du Zeewijk y
compris, on peut supposer, sans trop s'avancer, qu'il y en avait une sur le
Cimetière du Batavia.
22. Deux cent huit personnes sur l'île : Lettre anonyme du 11 décembre 1629 [R 232],
23. Rationnement de l'eau : Cette estimation a
été calculée d'après la ration quotidienne normale, qui était de trois pintes
(1,5 litre) d'eau. R. Van Gelder, Het Oost-Indisch Avontuur : Duitsers in
Dienst van de VOC, 1600-1800 (Nijmegen : SUN, 1997), p. 158.
24. Épuisement des vivres : Là encore, on n'en
trouve pas explicitement mention dans les journaux de bord, mais il semble que
les auteurs antérieurs aient sous-estimé les effets de la pénurie alimentaire
dans les événements du Cimetière du Batavia. Même à la fin de la
mutinerie, lorsque la population de l'île se trouva réduite à une cinquantaine
d'individus, un strict rationnement restait de rigueur (Interrogatoire de
Jeronimus Cornelisz, Journal de Pelsaert, 17 septembre 1629 [DB 159]). Wiebbe
Hayes et ses hommes furent surpris de la maigreur de leurs assaillants (Lettre
de Cornelis Jansz, 11 décembre 1629 [R 233]). La pénurie commença sans doute
dès la première quinzaine ; les survivants du Zeewijk exterminèrent en
dix jours la population d'otaries de leur île, pourtant bien plus vaste
(Boranga, op. cit., p. 34), et ils étaient moins de 100 (Edwards, op.
cit., p. 103). La situation des survivants du Batavia était donc
bien plus critique. La « viande de phoque » qui se serait trouvée six semaines
plus tard sous la tente du pasteur (Verdict concernant Andries Liebent, Journal
de Pelsaert, 30 novembre 1629 [DB 244]) venait probablement d'ailleurs, la
construction de radeaux ayant alors permis de se déplacer à nouveau.
25. «s'en remit à lui» : Pure spéculation de
ma part, mais l'éclat de Jeronimus, le 4 juillet, lorsque le conseil lui lança
un défi (voir plus loin), semble typique d'un homme qui se serait attendu à ce
que ses propositions soient adoptées sans discussion.
26. Cornelisz rejoint le conseil : Dans The
First and Last Voyage of the Batavia (Perth : Abrolhos Publishing, nd c.
1993), p. 132, Philippe Godard affirme un peu vite que Jeronimus ne siégea
jamais au premier conseil du navire, mais Pelsaert, dans son « Exposé
succinct», op. cit., [DB 251], dit très précisément qu'il s'agissait de
« son conseil », dès le
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