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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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d’un pouce. La quatrième et cinquième lignes soutinrent leurs compagnons à l’aide de leurs épaules et de leurs boucliers. Les chevaux des Arméniens s’empalèrent sur les pointes des lances, nombre d’entre eux s’effondrèrent, entraînant d’autres montures dans leur chute. Encore une fois la cruelle orgie des hommes se déchaîna : la bataille !
    L’affrontement se changea en une mêlée enragée, en un massacre, en un magma de piétinements et de hennissements, de cris et d’ordre hurlés, de grincements de ferraille.
    Puis le silence revint presque subitement et l’on entendit le chant de victoire que les Grecs appelaient péan.
    La bataille était terminée.
    Les capes rouges avaient vaincu.
    Xéno chargea avec ses cavaliers pour attaquer les Arméniens qui surveillaient encore le campement, non loin de nos troupes alignées sur la rivière. Mais ceux-ci avaient suivi le déroulement de la bataille. Voyant l’infanterie de Sophos avancer, victorieuse, ils craignirent que les Grecs leur coupent la retraite, et ils abandonnèrent leurs positions, s’enfuyant sur la route qui menait aux montagnes.
    Xéno se rendit compte que sa présence n’était plus nécessaire. Il rebroussa chemin afin de prêter main-forte à ses compagnons, enserrés entre deux armées ennemies au premier gué.
    À son arrivée, il constata qu’une partie du bataillon essayait de traverser à un autre point, plus praticable, afin d’établir une tête de pont sur l’autre rive. Du côté opposé, au sud, les Cardouques étaient descendus de leurs montagnes et s’étaient alignés afin d’attaquer les nôtres frontalement.
    Ils comptaient sur leur supériorité numérique, et le bataillon demeuré seul leur semblait une proie facile. Le cor donna le signal d’attaque et ils s’ébranlèrent en entonnant un chant mystérieux.
    Au nord de la rivière, Sophos se rua sur l’infanterie arménienne et la refoula, puis il déploya les siens sur le gué afin qu’ils le protègent. Dans le silence qui s’était abattu sur nous, le chant des Cardouques parvint à nos oreilles.
    Il ne transmettait ni enthousiasme ni excitation, ne renfermait pas ces cris belliqueux qui font oublier la mort aux hommes, il était lugubre et composé de deux tons tantôt harmonieux, empreints de mélancolie, tantôt dissonants et presque stridents, tels les gémissements des pleureuses, accompagné du son encore plus grave du tambour. Ces hommes marchaient vers l’anéantissement sans le savoir.
    Nous assistâmes à la tuerie. Les nôtres se disposèrent en coin, baissèrent les lances et se lancèrent au pas de course en criant : « Alalalaï ! » Ils s’enfoncèrent dans la masse des ennemis tel un couteau dans du pain et poursuivirent leur avancée jusqu’à ce que les Cardouques fussent balayés. Pendant des jours et des jours, ils avaient vu leurs compagnons broyés par les pierres que ces Barbares roulaient, blessés par les dards qui pleuvaient du ciel, transpercés par des couteaux qui surgissaient dans l’obscurité. Ils réglaient maintenant leurs comptes selon les lois de la guerre.
    Quand ils eurent terminé, ils retournèrent à la rivière, lavèrent leurs armes dans le courant et s’unirent au chant de leurs camarades qui criaient : «  Io Paian ! » Décidément, rien n’entravait la marche des Dix Mille : ni les hommes, ni la rivière n’y étaient parvenus.
    M’apercevant, Xéno poussa son cheval vers moi.

20
    Ce fut une fête mémorable. Il y avait dans le campement des Arméniens une abondance de vivres, de couvertures, de tentures, de bêtes de somme, d’armes et d’objets précieux : coupes, tapis, assiettes en argent, et même un bassin pour se baigner. Xéno choisit une étoffe pour moi : elle était magnifique, jamais je n’en avais vue de pareille. Il m’apporta aussi un miroir afin que je me regarde tandis qu’il me drapait. C’était une plaque de bronze astiquée qui reflétait ce qui l’entourait, comme lorsqu’on se penche sur l’eau d’un étang ou d’un puits.
    On prépara un somptueux banquet auquel participèrent bon nombre des filles. Parées elles aussi, elles étaient incroyablement attirantes. Il suffit de peu de chose à une femme jeune pour se rendre belle et désirable. Certaines s’étaient même fardé les yeux avec du bistre et avaient passé du minium sur leurs lèvres. Je les regardais étreindre et embrasser les jeunes guerriers, aller de l’un à l’autre en

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