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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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jours et inspecta chaque village en prenant des notes. Les généraux, Cléanor, Timasion, Agasias et Xanthi, s’installèrent dans les meilleures habitations avec leurs femmes. Je rendis visite à Mélissa, qui avait retrouvé Cléanor.
    « Maintenant tu es capable d’affronter n’importe quelle épreuve. Tu as montré du courage et de la passion…
    — Bien sûr, répondit-elle en riant. Tu m’y as obligée !
    — Tu as raison, mais c’était à mes yeux une juste cause. Et ça l’est encore.
    — Tu m’as traitée de putain.
    — Je le regrette. J’étais hors de moi.
    — Je n’ai pas eu la chance de choisir mon destin, mais j’ai des sentiments, j’en ai toujours eus. Je suis une femme comme toi.
    — Je le sais maintenant.
    — Ne m’insulte jamais plus, sinon je t’arracherai les yeux.
    — D’accord.
    — Combien de temps nous sépare du but ?
    — Hélas ! personne ne le sait.
    — Veux-tu dire que nous ignorons où nous allons ? Xéno devrait le savoir, et toi aussi, puisque tu es sa compagne.
    — L’armée s’oriente grâce au soleil et se dirige vers le nord. D’après Xéno, nous traverserons encore une grande chaîne de montagnes avant d’atteindre la mer.
    — Quand ?
    — Dans deux décades, sans doute. Jamais nos hommes n’ont traversé cette région. En outre…
    — Quoi ?
    — J’ai des doutes, des soupçons, des craintes…
    — De quel genre ?
    — Ce sont peut-être des idées que je me fais, il y a trop de coïncidences : le piège tendu à nos généraux, les armées qui apparaissent comme par magie afin de nous barrer le passage, les embuscades subites, par exemple à la rivière. Il existe des ennemis invisibles dont il est difficile de se défendre. Je pense que nous pouvons nous attendre à tout. »
    Mélissa soupira et baissa la tête.
    « Ne m’écoute pas, poursuivis-je. Je vois peut-être le danger là où il n’existe pas.
    — S’il devait arriver quelque chose, reste avec moi, aide-moi, je t’en supplie. Tu es la seule en qui j’ai confiance.
    — Cléanor te défendra à tout prix. Avec lui, tu es en sécurité.
    — Reste quand même auprès de moi. »
    Je la quittai pour rendre visite à Lystra dont l’accouchement était imminent, et demandai à Xéno de m’adjoindre un chirurgien.
    « Les femmes accouchent seules, répondit-il. Les chirurgiens ont assez de travail comme ça. »
    Je m’y attendais.
    Nous demeurâmes un certain temps dans ces villages afin de reprendre nos forces. Plus d’une fois Sophos dîna avec nous. Il était plein de charme, grand, athlétique, vif et spirituel, semblait imperméable à tout souci, quoique son regard s’obscurcît de temps à autre. C’était un vrai Spartiate, un descendant des trois cents hommes qui, quatre-vingts ans plus tôt, avaient arrêté le Grand Roi aux défilés des Portes ardentes, ainsi que Xéno les appelait.
    Je les entendais discuter, élaborer des hypothèses et établir des itinéraires.
    « Lorsque nous arriverons dans un lieu connu des Grecs, dit un jour Xéno, nos souffrances prendront fin. Nous saurons où aller et atteindrons rapidement une base pour rentrer chez nous. Nous avons suivi le nord sans jamais dévier, ou presque. C’est tout au moins ce que j’espère. »
    Sophos sourit. « Je connaissais un homme qui était sorti, ivre, d’une taverne pour rentrer chez lui. Il marcha toute la nuit et se retrouva le lendemain matin devant la même taverne. De deux choses l’une, soit l’on servait à cet endroit le meilleur vin du village, soit il avait tourné en rond sans s’en apercevoir. »
    Xéno et les autres officiers présents rirent à gorge déployée. Ils éprouvaient la sensation que le but n’était pas loin. La nourriture et la bière favorisaient l’optimisme, et les Arméniens qui vivaient dans les villages où nous cantonnions semblaient paisibles et prêts à nous aider. Il était donc légitime de penser que le pire était derrière nous. Avant de me coucher, j’allai trouver Lystra. « Fais ton enfant maintenant, fais-le ici, où nous avons chaud et ne manquons de rien. »
    Elle me répondit d’un sourire las.
    Nous nous remîmes en route par un matin gris. Sophos demanda au chef du village de nous servir de guide, et celui-ci fut contraint d’accepter. Il avait sept enfants : on en prit un pour s’assurer qu’il ne trahirait pas, le confiant à la garde d’un Athénien. Mais une telle précaution n’était

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