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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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« Lève-toi, lâche, bon à rien, salopard, fils de pute ! » mais sans résultat. L’un des chirurgiens déclara que la nourriture qu’ils consommaient ne leur permettait pas de lutter contre le froid, le vent, la fatigue. Il fallait qu’ils mangent plus, sinon ils mourraient. Xéno remonta à cheval la file des bêtes de somme, fouilla leur bât et donna à ses hommes, épuisés, la nourriture qu’il avait réussi à trouver.
    Un certain nombre se relevèrent.
    D’autres s’effondrèrent, inanimés.
    Un suaire blanc les recouvrit, et leurs derniers mots s’évanouirent dans le sifflement de la tourmente.

22
    Tandis que Sophos effectuait une reconnaissance avec ses hommes, Xéno, se rendant compte que les soldats étaient à bout de forces, les aligna au milieu de la neige. Les généraux les mirent au garde-à-vous et, malgré la fatigue, les hommes se redressèrent avec courage et dignité, refermant leurs mains sur leurs lances. Ils avaient les phalanges blanches et les ongles noirs.
    Il les passa en revue. Son visage hâve, souligné par une barbe hirsute, et ses yeux rouges trahissaient les mêmes souffrances que les guerriers.
    Il les examina l’un après l’autre, ajusta leur cape sur leurs épaules, observa leurs blessures et leurs membres gelés, les chaussures et les vêtements qui ne suffisaient pas à les protéger du froid. Puis il prit la parole :
    « Soldats ! Nous avons surmonté de nombreux dangers, mis en déroute l’armée la plus puissante du monde, nous avons défait une nation barbare et sauvage qui entendait nous anéantir, défié le courant des rivières, franchi des cols montagneux, nous avons échappé à l’étau de deux armées, et il nous faut maintenant affronter un ennemi sans visage ni pitié, un ennemi contre lequel nos armes ne servent à rien. Un certain nombre d’hommes sont morts et nous avons dû les laisser derrière nous sans sépulture et sans les honneurs qu’ils méritaient. Nous nous trouvons sur une terre hostile, dans des conditions terribles, mais nous devons survivre. N’oubliez pas ce que disait Cléarque : “Survivez, soldats ! Survivez !” Tel est l’ordre que je vous donne. L’ordre même qu’il vous donnait.
    « Le froid et la lumière nous tourmentent plus que tout. Le froid est plus dangereux, car on peut se défendre contre la lumière.
    « La nuit, ne restez jamais immobiles. Tapez des pieds par terre quand vous êtes de garde, tapez des mains sur votre corps. Cherchez un endroit abrité du vent. Quand vous vous couchez, ôtez vos chaussures. J’ai remarqué que nombre d’entre vous ont les pieds enflés. C’est un mauvais signe. Selon les chirurgiens, ils gèlent ensuite et se nécrosent. Dans d’autres conditions, on pourrait amputer. Mais ce serait ici une torture inutile.
    « Des soldats se sont perdus après avoir été éblouis par la lumière. Quand le soleil brille, son reflet aveugle. Certains d’entre vous ont les yeux rouges. Si vous ne vous protégez pas, vous perdrez la vue et aussitôt après la vie. Placez une bande sombre devant vos yeux avec une simple fente pour voir.
    « Ceux qui trouvent un abri et un feu vivent, ceux qui arrivent tard et dorment au froid et dans l’obscurité meurent. Il n’est pas juste que ceux qui protègent vos arrières le paient de leur vie. Chaque jour, un régiment d’avant-garde échangera sa place avec une unité d’arrière-garde. Ainsi, vous jouirez tous des mêmes conditions de vie. Une dernière chose : plus nous serons unis, plus nous aurons de chances de survivre. Tant que nous observerons les règles et notre code d’honneur, nous pourrons vaincre les difficultés les plus dures. Qui sauve la vie d’un camarade sauve sa vie, qui ne songe qu’à se sauver lui-même mourra et les autres mourront aussi. Et maintenant, en marche ! »
    Il dépêcha à l’arrière-garde le détachement de tête et resta auprès d’eux. La règle ne valait pas pour lui.
    Combien de temps durerait encore cette torture ? Le printemps reviendrait-il un jour ? Quel mois étions-nous et quel jour ? Une vie entière s’était écoulée depuis que j’avais quitté mes cinq villages, et il m’arrivait de regretter la poussière du désert qui étouffe, qui brûle la gorge. Lorsque je marchais, j’évitais de me retourner, car je ne voulais pas voir les hommes tomber l’un après l’autre, les bêtes s’effondrer et ne plus se relever, les rangs s’éclaircir.
    Xéno n’avait

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