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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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bien connu.
    — Notre prince Cyrus.
    — Exactement.
    — J’ai compris.
    — Tu as compris ? Qu’est-ce que tu as compris ?
    — Ce qui me tourmentait. Ne dis à personne que je t’ai posé ces questions, s’il te plaît.
    — Ne t’inquiète pas. Et puis, ce n’est pas un secret. Tout le monde sait ce que je t’ai dit.
    — Tout le monde, sauf moi. Je te remercie, mon garçon. Adieu. Et essaie de rentrer vivant chez toi.
    — J’essaierai », répondit Nicarque avec un sourire las.
    À en juger par son regard et par ses hochements de tête, il s’interrogeait sur la raison de ma visite. À en juger par son sourire, celle-ci lui avait fait plaisir.
    Mon cœur battait, sous l’effet de l’émotion. Jamais je n’aurais pu imaginer, le jour où j’avais quitté mon village, que j’assisterais à de tels événements. Jamais je n’aurais cru que je résoudrais des énigmes qui me dépassaient, que j’appréhenderais des événements qui avaient changé le destin de nations entières. À présent, tout me semblait clair : pour conquérir le trône, Cyrus avait enrôlé les meilleurs soldats du monde, les capes rouges et ceux qui avaient été instruits à leurs côtés. Cependant les Spartiates étaient les alliés de son frère, le Grand Roi Artaxerxès, ce qui les plaçait devant un dilemme. Si Cyrus parvenait à ses fins, il leur devrait le trône, ce qui leur vaudrait d’énormes avantages. S’il échouait, il leur faudrait démontrer au Grand Roi qu’ils étaient étrangers à cette expédition, que Cyrus avait recruté des guerriers pour son compte et sans les consulter. Voilà pourquoi ce projet était resté secret ! Ils voulaient jouer sur deux tableaux et conserver leurs avantages quel que fût le vainqueur.
    Puis, une fois l’opération engagée, les doutes les avaient à l’évidence assaillis : et si la situation leur échappait ? Si des imprévus survenaient ? Il existait toutefois une façon d’y remédier : disposer sur place d’un individu obéissant directement à leurs ordres. Voilà pourquoi Sophos était apparu, peu avant que je rencontre Xéno. Voilà pourquoi personne ne savait rien sur son compte, pourquoi Néon était suspect lui aussi.
    Les Dix Mille n’avaient pas le choix : ils devaient vaincre ou mourir, ou, mieux encore, s’évanouir dans le néant. Il importait qu’ils ne puissent pas révéler ce que cachait cette expédition extraordinaire.
    Les choses ne s’étaient pas passées comme prévu. L’armée avait perdu, mais les Dix Mille avaient gagné. Ils avaient survécu, et ils constituaient un danger. Quoique mercenaires, ils étaient la preuve que Sparte avait trahi son alliance avec le plus puissant empire de la terre. Oui, ils avaient trahi le Grand Roi et épaulé son frère dans son dessein de le tuer.
    J’avais moi-même du mal à le croire. Je m’assis sur un rocher et, exposée aux rayons du soleil, poursuivis le fil de mes pensées. Tel était le rôle de Sophos : conduire les rescapés dans un lieu d’où il était impossible de revenir. Le plan de Xéno était arrivé à point nommé. Le général en chef n’avait eu qu’à l’appuyer. Cela signifiait donc que Xéno se trompait, que nous allions au-devant de la mort.
    Restait à le prouver : chaque fois que j’avais essayé d’insinuer le moindre doute dans son esprit, Xéno avait refusé de m’écouter. Sa réaction serait imprévisible face à une telle énormité. Il continuait de croire que le Grand Roi constituait le seul danger. Il fallait que je lui montre, preuve à l’appui, qu’il existait un péril encore plus grand, parce que caché. Et cette preuve ne pouvait se trouver que dans la tente de Sophos.
    Pendant toute la soirée, je remâchai ces pensées en attendant que Xéno et ses camarades rentrent d’une battue de chasse, activité dans laquelle il excellait. De fait, le butin fut riche : huit cerfs, quatre porcs-épics, deux sangliers, une demi-douzaine de lièvres pris au lacet et des oiseaux aux couleurs merveilleuses. Le mâle était doté d’une longue queue couleur bronze, un plumage splendide parait ses ailes et son cou. D’allure plus modeste, les femelles avaient une chair tout aussi exquise. En l’honneur du fleuve que nous suivions et que nous prenions pour le Phase, Xéno et ses hommes appelèrent ces oiseaux des « faisans », et il m’offrit leurs plumes afin que je fabrique avec des ornements.
    Ce repas abondant ramena la bonne

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